1911. - Le 1er avril, naissance
d'Armel Eugène Guerne à Morges, en Suisse (près de Lausanne, sur les bords
du Léman), dans le canton de Vaud. Son père : Marc Denis Guerne, ingénieur, est
suisse. Sa mère, Aimée Angèle Gohard, est française,
originaire de Nantes. Un frère : Alain, né une année avant lui (9 mars 1910) et
une sœur : Arlette, née un an après (10 août
1912)
Début de scolarité au
lycée de Morges.
1918. - Le 20 décembre, divorce des parents.
Alain et Armel restent avec leur père.
1920. - Son père quitte la
Suisse et vient s'installer près de Paris, à Poissy (où il est directeur d'une grande usine de pièces
détachées Renault), puis à Saint-Germain-en-Laye. Armel a alors neuf ans.
1926. - Armel entre au collège de
Saint-Germain-en-Laye où il sera l'élève de Marcel Roby (ce collège
portera plus tard le nom de cet homme). Il retrouvera Marcel Roby, en
octobre 1943, au camp de transit de Compiègne, arrêté comme lui par la
Gestapo.
Vers 1928. - Armel Guerne refuse de faire des études
commerciales et se désintéresse de l'usine. Pour cette raison, âgé
de 16 ou 17 ans, il est mis à la porte de la demeure familiale
par son père.
Il poursuit ses études
grâce à l'aide de Madame Zulficar, la mère de Mounir Hafez - son meilleur ami
(Madame Zulficar est la tante de la femme du roi d'Egypte, Farouk à cette
époque. Mounir Hafez mourra le 1er janvier 1998 à l'âge de 87 ans. Dans l'avis
obituaire, il est nommé "Prince Mounir Hafez"). Année de préparation au
baccalauréat.
1929-30. - Il passe 9 mois en Syrie, au
collège de Tartous où il est lecteur de français tout en assurant
les fonctions de professeur de gymnastique.
1930. - A son retour en France
(il embarque sur un bateau à bord duquel il travaille) il fonde à la
Sorbonne, avec le docteur Roger Frétigny et quelques amis, le Groupe
d'Etudes Psychologiques. Fondation aussi des Editions du Grenier .
1934. - Parution de son premier livre : Oraux.
Il rencontre le philosophe Paul-Louis Landsberg et le peintre André
Masson, et se lie d'amitié avec eux. Il rencontre aussi Paul Eluard, Georges Bataille « des hommes de
lettres trop légers », et André Breton.
Vers la même époque, il
fait la connaissance de Jeanne Gabrielle Berruet,
dite Pérégrine, originaire
d'Angers, née le 30 septembre 1907. Elle professe dans un cours
complémentaire, en province, de 1927 à 1931. Au moment de son arrestation,
le premier juillet 1943, elle travaille au lycée de garçons, 87, boulevard Arago à Paris (cours de
perfectionnement pour enfants arriérés). Elle sera, après la guerre, la
secrétaire bénévole de Georges Bernanos (Jean-Loup Bernanos se rappelle qu'en
Tunisie, en 1947, alors qu'elle dactylographiait Le Dialogue des
Carmélites, elle veillait aussi sur son travail d'écolier) et donnera
aussi son temps au Chanoine Osty pour la mise au propre de sa traduction
de la Bible (22 volumes, aux Editions Rencontre, 1970).
1938. - Traduction des Hymnes à la Nuit de Novalis,
chez G.L.M..
Frontispice d'André Masson. Il fait la connaissance d'Albert
Béguin (par lettre, en 1940,
en donnant des extraits de sa traduction des Elégies de Duino de
Rilke à la revue Esprit).
1938. - Le Livre des
quatre éléments chez G.L.M.
1939-1945. -
Voir
Un poète dans la Résistance
1946. - Parution de
Danse des Morts à la Jeune Parque.
1947. - Rencontre au café
de Flore, à Saint-Germain-des-Prés, de Ellen Guillemin Nadel, fille du poète
juif-allemand Arno Nadel. Entre-temps, Maïthé l'a quitté (voir
Un poète dans la Résistance).
Vers 1948. - Liens
d'amitié avec Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Régine Crespin et son
mari, le germaniste Lou Bruder.
1949. - Traduction de
Europe ou la Chrétienté de Novalis.
1950. - Traduction de
Mardi de H. Melville. Traduction des Hymnes et Elégies de
Hölderlin. Traduction de Redburn de Melville. Traduction des
Hymnes à la Nuit de Novalis. Epoque où Guerne collabore à la revue «
Janus » fondée par Daniel Mauroc.
1951. - Traduction de
Moi et ma cheminée de Melville. Traduction de White Jacket du même
auteur.
1952. - Traduction de
Lettres à une musicienne de Rilke ; de Croisière de Virginia Woolf ;
du Cirque Humberto d'Eduard Bass ; du
Retour de l'âme prodigue.
1953. - Traduction de
Métaphysique du sentiment de Theodor Haecker ; de Je crois en Dieu
de Josef Pieper et Henri Raskop ; du Nuage d'inconnaissance d'un moine
anonyme anglais du XIVe siècle.
1954. - En août/septembre,
Guerne est au château de madame Manceron, à Vimines-par-Cognin (Savoie).
Il y travaille (et y achève ?) la traduction de Moby Dick
de Melville. Parution de La Nuit veille chez Desclée de Brouwer.
Guerne a-t-il connu le philosophe roumain E.M. Cioran à cette époque ? Une
correspondance régulière s'établit entre eux dès cette date.
1955. - Traduction de
U.S.A. d'Emile Schulthess.
1956. - Traduction des
Romantiques allemands (Hölderlin, Jean-Paul, Tieck, etc.) ; des
Elégies de Duino de Rilke (en fait Guerne avait entamé ce travail bien
antérieurement ; il a dit et écrit qu'il y avait passé dix ans) ; de
l'Histoire des peuples de langue anglaise de Sir W. Churchill (4
vol.).
1957. - Parution du
Temps des Signes chez Plon. Traduction de Réalités et Vérité de
Friedrich Heer ; du Rêve dans le pavillon rouge de Ts'ao Siue-Kin
(2 vol. dont le second ne paraîtra qu'en 1964, émaillé de fautes
grossières, Guerne n'ayant pas été prévenu de sa sortie et n'ayant pas eu
accès aux épreuves).
1958. - Traduction de
Afrique d'Emile Schulthess (2 vol.) ; de La Panne de Friedrich Dürrenmatt
; Préface pour Ronchamp d'Urs von Balthasar. Vers
octobre : séjour à l'abbaye bénédictine Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire,
dans l'Yonne, où sont installées les Editions du Zodiaque. Il y
fait la connaissance de Dom Claude Jean-Nesmy avec qui il correspondra
jusqu'à sa mort.
1959. - Traduction de
Confession créatrice de Paul Klee ; de La Promesse de Dürrenmatt ;
de Konjaku de Minamoto no Takakuni ; de Emaki (rouleaux
peints japonais).
1960. - Achat d'un moulin
à vent dans le Lot-et-Garonne pour 1 000 frs de l'époque (100 000 anciens francs) et le restaure. Traduction de Interférences (Kandinsky) ; de L'Invention du monde
d'Albert Bettex ; de Pays de neige et de
Une nuée d'oiseaux blancs de Kawabata.
1961. - 14 février :
"jour qu'on place le chapeau du moulin". La Dépêche du Midi
y consacre
toute une page avec photographies. Guerne commence à habiter sa nouvelle
"demeure" tout en gardant son logement parisien, 26, rue de la
Montagne Sainte-Geneviève, Paris V°. Les travaux de
restauration du moulin avancent. Parution du Testament de Perdition
chez Desclée de Brouwer. Traduction du Juge et son bourreau de
Dürrenmatt ; du Soupçon du même auteur; des Vierges
romanes au Zodiaque.
1963. - Traduction des
Récits hassidiques de Martin Buber ; du Tao Tê King de Lao Tseu
; de En personne de Wols ; de La Nuit autour de ma maison de
Karlheinz Deschner.

"Je n'ai
plus d'appartement à Paris depuis avril. Sans regret. Le moulin, dans son
paysage, est un lieu d'élection que j'apprends chaque jour à apprécier un
peu plus. Le silence magnifique. La quasi-solitude. La gentillesse humaine
des gens alentour..."
1964. - Le 1er avril,
Guerne quitte définitivement son appartement de la rue de la Montagne
Sainte-Geneviève. Il en est chassé. Traduction de Poèmes et
Sonnets de Shakespeare.
1965. - Traduction de
Picasso à l'œuvre d'Edward Quinn et Roland Penrose. Mise en chantier des
Jours de l'Apocalypse en août.
1966. - Nerval
(choix de textes, présentation et notes). Traduction du Chant sacré des heures (hymnes du bréviaire
monastique en appendice de : Il y eut un soir il y eut un matin d'Æmiliana
Löhr).
1967. - Parution des
Jours de l'Apocalypse aux éditions du Zodiaque. Traduction du Livre
des Mille et une
Nuits (6 volumes). Traduction des Contes de Grimm ( 2 vol.) ; de
Florence sans soleil de Karlheinz Deschner.
1968. - Mort de son grand
ami - son aîné d'une dizaine d'années - le docteur Jacques-Emile Emerit
(éminent acuponcteur et homéopathe, auteur d'une série d'ouvrages
remarquables sur l'art des aiguilles) qu'il semble avoir connu pendant la
guerre. Emerit est probablement l'homme qui lui a fait découvrir
Paracelse.
1969. - Traduction de
Dr. Jekyll et Mr. Hyde (et autres nouvelles) de Stevenson.
1970. - Traduction de
Pensées et Aphorismes d'Henri Nouveau (le peintre et musicien Henrik Neugeboren).
1971. - En avril, il
commence à souffrir d'un ulcère à l'estomac.
1972. -
Séjour de deux mois à l'hôpital de Marmande (début janvier à début
mars). Une grippe sur une crise d'emphysème, séquelles des prisons
allemandes et du bain forcé dans une rivière, en janvier 44, lors de son
évasion, afin d'échapper aux SS ; puis opération d'une hernie. Mort de sa
mère en mars. Suicide de Kawabata en mai. Reparution des Elégies de
Duino auxquelles on demande à Guerne de joindre les Sonnets à
Orphée (Rilke) ; traduction de Méditation et action du
Tibétain Chögyam Trungpa. En octobre, édification d'un château d'eau sur
le magnifique site où s'élève le moulin : "Une tache sur le tapis magique"
(in lettre à Pérégrine).
1973. - Traduction de
Fragments de Novalis. Guerne souffre toujours de son ulcère à
l'estomac. Remise du prix Mac Orlan.
1975. - Traduction des
Œuvres complètes de Novalis (2 vol.) chez Gallimard. Grand prix de la
traduction Halpérine Kaminski.
1976. - Traduction de La
Marquise d'O... de H. von Kleist. En décembre, visite de Dom Claude Jean-Nesmy au
Vieux Moulin.
1977. - En début d'année,
il va passer deux mois chez sa sœur, dans le Perche, à cause du froid et de
sa santé qui décline. Parution du Jardin Colérique, de Rhapsodie
des fins dernières et de L'Âme insurgée, écrits sur le romantisme (recueil de préfaces) chez
Phébus. Juillet : nouveau séjour à l'hôpital de Marmande. Septembre : il
se rend au Centre de Cambo-les-Bains pour tenter d'améliorer sa
respiration. Un mois de soins. Fin d'année, Guerne s'installe au
presbytère de Tourtrès (où il avait déjà son bureau) à cause de son
emphysème, le moulin étant trop humide et l'accès à sa chambre (par
échelle de meunier) difficile. C'est aussi cette année-là que paraît
The Prosper Double Cross qui raconte l'histoire du réseau PROSPER avec
de très nombreux témoignages de Guerne. L'auteur, John Vader, un
Australien, ancien de la RAF, avait rencontré Guerne dès 1972, date du
début de son enquête.
1978. - Traduction du
Territoire de l'homme d'Elias Canetti.
1979. - Parution de A
Contre-Monde chez Privat. En automne, nouvelle visite du Père Claude
Jean-Nesmy au moulin.
1980. - Le 27 septembre,
rupture de l'aorte. Guerne est une nouvelle fois transporté à l'hôpital.
A son médecin accouru chez lui et qui recommande ce transport, il a la
force de dire qu'il ne le souhaite pas. Et comme le médecin le presse, il
articule, dans un tout dernier effort de lucidité : « Non ! » Ce sera son
dernier mot. Le 9 octobre, il meurt à l'hôpital de
Marmande, entre 7 et 8 heures du matin après un coma de 13
jours. Il est enterré au cimetière de Tourtrès, à quelques pas de son moulin.
1988. - Le 5 janvier, Ellen
Guillemin-Nadel meurt à son tour à l'hôpital de Tonneins, d'une rupture
d'anévrisme au cerveau suivie d'une hémiplégie avec suspension de la
parole.
Elle est aussi enterrée au cimetière de Tourtrès. |