> Lettre de Georges Bernanos à Armel Guerne, 27 décembre 1945
Cher ami,
Il y a tout de même des réussites dans la vie,
des grands et des petits miracles - mais on ne sait jamais quels sont les
grands, quels sont les petits - enfin qu'importe, ce sont des sourires de
Dieu.
Car c'est bien émouvant
pour moi de dire aujourd'hui, après avoir lu votre livre, que vous êtes
bien l'homme que j'avais cru reconnaître dès le premier moment et presque
dès le premier regard lorsque vous êtes entré brusquement dans notre
maison, dans notre amitié, avec votre chère femme, un jour d'automne.
J'ai lu et relu vos pages
d'une extraordinaire densité, d'un éclat si humain, d'un accent si
volontaire et pourtant jamais forcé. parmi tant de déceptions et de
dégoût, on se dit qu'un tel livre ne pouvait être écrit qu'en France, et
que nous pouvons encore servir.
Je vous souhaite un bon
Noël ainsi qu'à Madame Guerne. Vous êtes de ceux, en petit nombre, qui me
font désirer de me rapprocher de Paris, du moins pour quelques mois.
Croyez à ma profonde et fidèle sympathie.
*

Bernanos et Pérégrine Guerne
(1947) *
"Lorsque parfois, n'en
pouvant plus, j'imagine Bernanos vivant aujourd'hui - j'en suis pris de
terreur alors, et je rends grâce que ce soit moi, et pas lui, qui soit
encore dans ce malheur. Heureux les morts! encore une fois. L'existence de
Bernanos en ce monde est INIMAGINABLE une minute de plus que son heure.
Mon Dieu, que c'est bien ainsi!"
2 novembre 1969 |