ARMEL GUERNE ET PARACELSE

          "A comparer les temps, l'usage qu'il a pu faire de ses quarante-neuf ans de vie, la connaissance acquise et reçue, l'œuvre accomplie, on se demande aujourd'hui si cinq vies de quarante-neuf ans y suffiraient… et l'on incline à croire que notre temps fuit, en effet, cinq fois plus vite au moins, mais que, considérant l'affaiblissement de l'espèce, le génie de cinq hommes ne suffirait pas au sien."

 

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Voir aussi Paracelse, par Charles Le Brun

"On sait que si la hauteur d'esprit vous fait un impeccable contrat de solitude parmi les contemporains, ce qu'on ne pardonne pas, ce qu'on ne pardonne jamais, c'est la hauteur d'âme. Et rien n'est plus rassurant, à l'égard de celle de Paracelse, gouvernante invisible et perpétuelle instigatrice, que les pleines bibliothèques de sarcasmes et d'injures, de jugements et de mépris, silencieusement accumulées dans les pompes et les poussières officielles de toutes les institutions; rien n'est moins inquiétant que ce semblant de dédaigneuse et protectrice justice qu'on a voulu lui accorder depuis cinquante années, le confrontant ici ou là, lui et sa science, avec les découvertes nouvelles et les récentes théories, pour reconnaître en lui, comme gloire suprême et superbe couronne, un précurseur! Quoi, cet astrologue, cet alchimiste, ce magicien infâme, médecin-philosophe, ce croyant invétéré? Ce charlatan, ce burlesque, ce fantasque superstitieux, qui, non content de mettre tout en Dieu, et la science d'abord, la médecine avant tout, errant dans les montagnes d'Helvétie en prêchant les bergers et les villageois, après avoir écrit un œuvre médical énorme au volume duquel, s'il n'y avait eu que cela, on eût pu faire hommage des honneurs officiels? Un précurseur de la science moderne, cet homme qui croyait aux sorcières, aux histoires de bourreaux, aux exorcismes et aux enchantements, ce médecin qui croyait au pouvoir de la prière? Et dont l'œuvre, presque pour moitié, quoique encore inédit, est fait uniquement de sermons et de commentaires des textes de l'Écriture? Car c'est ainsi, il faut bien l'avouer, qu'il termine cette vie orageuses dont on a fait étude, historiquement parlant, des centaines de fois, prouvant et controuvant des faits aussi capitaux et sérieux que par exemple savoir s'il avait bien été émasculé par un cochon dans son enfance ou si c'était au cours d'une soirée d'orgie qu'il avait, à quarante-neuf ans, vu trancher d'un coup d'épée ou de dague par un quelconque larron d'auberge le fil de son étrange destinée."

          "Paracelse est un caractère droit et franc et qui va droit et franchement. Pas plus qu'il n'épargne les grands, il ne s'épargne soi-même. Tout entier et toujours tenu par son œuvre, il va et vient partout en Europe, visite les facultés - où il y a si peu de vrai -, les guérisseurs et les sorcières, les bourreaux et les barbiers, chez lesquels il y a tant de faux, et tant de vrai à recueillir, voit les plantes, les métaux, les maladies, écrit de tout, enseigne et pratique, connaît, au sens vrai du mot, communie et partage, fuit la maréchaussée des grandeurs et des sérénités bourgeoises auxquelles il n'a pu s'empêcher, tout en les soignant, de dire leur fait, se met à dos les professeurs dont il discute, accuse et combat l'enseignement caduc, toujours franchement, toujours ouvertement, et avec l'accent inimitable de la sincérité profonde et de la rectitude absolue dans les actes avant les paroles, et dans les faits avant les écrits."

          Préface d'Armel Guerne aux Prophéties de Paracelse, Le Rocher, 1983.