ARMEL GUERNE ET NOVALIS

> On doit à Armel Guerne la traduction inspirée des œuvres complètes de Novalis

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Œuvres de Novalis traduites par Armel Guerne

Les Disciples à Saïs. Frontispice d'André Masson.  Paris, G.L.M., 1939.

Europe ou la Chrétienté. N' spécial des Cahiers du Sud sur le Romantisme allemand, Paris et Marseille, 1949.

Hymnes à la nuit. Paris, Éditions Falaize, 1950.

Fragments. Choisis et traduits par Armel Guerne (édition bilingue), précédés d'un essai par Charles Du Bos. Paris, Aubier-Montaigne, 1973.

Œuvres complètes. (2 vol. : I. Romans.  Poésies.  Essais.  Il.  Les fragments.) Édition établie, traduite et présentée par Armel Guerne. Paris, Gallimard, 1975.

Les Disciples à Saïs. Hymnes à la Nuit. Chants religieux. Avec quelques poèmes extraits d'Henri d’Ofterdingen. Traduction et présentation d’Armel Guerne. Gallimard, coll. Poésie/Gallimard, 1975.

 

 

 

 

 

 

 

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Portrait de Novalis ayant appartenu à Armel Guerne

"Ses œuvres, ses amours, sa présence et sa mort ont eu tout le rayonnement profond d'une opération magique sur le romantisme, dont il reste et demeure la perle mystérieuse."

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"Novalis, si tout ce qu'il écrit porte ce charme de pureté, ce souffle des hauteurs et le sanctifiant éclat de la transparence ingénue, c'est que le poids tout entier de sa douleur est demeuré en lui. Les Disciples à Saïs et son "roman" Henri d'Ofterdingen, restés inachevés, d'élan pur; Les Hymnes à la Nuit, Les Chants spirituels, d'une simplicité orphique; la masse harmonieuse des Fragments, un bref Journal et quelques lettres, voilà l'œuvre de ce Mozart de la pensée qu'auréole de sainteté la plénitude d'une vie accomplie immensément. Il est mort à vingt-neuf ans."

Armel Guerne, in Les Romantiques allemands, Bibliothèque européenne, DDB, 1963

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A propos de la traduction des Œuvres complètes de Novalis

"Je veux aussi, lui, le poète, l'arracher aux lourdauds qui veulent à tout prix, pour s'impressionner, en faire un philosophe dans la pâte d'aujourd'hui : Wasmuth en Allemagne, Mr. De Gandillac, son pesant traducteur, ici. Et si j'arrive à lui rendre ses ailes (ce que doit faire notre langue, mieux faite pour lui que la sienne), je serai consolé du temps qui a tant fait saigner les miennes. Il ne fait pas bon, à notre époque, avoir encore un peu de ce qu'on a, autrefois, appelé l'âme." Lettres d'Armel Guerne à Cioran, éd. Le Capucin, Lectoure, 2001

« Une œuvre dont l'art secret ne s'ouvre pas à l'admiration, mais seulement à l'amour. »

Préface d'Armel Guerne à L'Âme insurgée, éd. Phébus, Paris, 1977   

Deux inédits

       Novalis. - Même dans l'épaisseur de l'étoffe allemande (je veux dire la lourdeur de la langue et des mœurs) la transparence de sa pensée réussit à passer, furtive comme le génie-même et ductile comme le platine de sa volonté : d'une efficacité extraordinaire et d'autant plus enchanteresse qu'elle est insaisissable. Visiblement inapparente et cependant d'une puissance souveraine. La transparence d'une pensée qui révèle ce qui est là presque sans le montrer et presque sans le dire, sans s'interposer en tout cas; ne confiant cependant ses secrets qu'à ceux qui savent les entendre et ne découvrant ses trésors qu'à ceux qui, sachant déjà qu'ils existent, seront ainsi à la fois dignes et capables de les voir.

       Peu d'hommes auront tracé une ligne aussi haute ; il ne parle qu'à ceux qui entendent et ne montre qu'à ceux qui voient. Tous les autres s'ennuient, mais ceux-là sont comblés de richesses inépuisables, certifiés à tout jamais dans l'espérance. Quoi de plus précieux? Car pour celui qui a le paysage devant soi comme celui en qui ruisselle le chant rafraîchissant, qu'importent les négations du peuple de la fin des temps, ce dont il a été dit qu'ils ont des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre. On n'a rien à leur démontrer, et leurs pitoyables protestations se retournent contre eux-mêmes, seuls coupables.

      Où qu'il tourne les yeux, l'homme ne rencontre partout que des limites, sauf vers le haut. C'est sans doute pourquoi les générations microscopiques d'une ère déconfite et affaissée qui ne survit que dans son seul microcosme, s'interdisent, sous peine de vertige, tout regard qui n'est pas borné, ne cherchant rien au-dessus d'elles de peur de le trouver. Le seule vision, pourtant, la seule vision vivante et nourricière est bien celle qui réussit à enjamber nos apparences pour entrevoir la réalité. Quand on revient de là, on sait que ce monde-ci est mort, ayant empoisonné son verbe et détruit sa nature."

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       LES HYMNES A LA NUIT. - Certainement l'œuvre capitale de Novalis et la seule achevée (si l'on excepte l'essai sur la Chrétienté et la courte suite intitulée Foi et Amour) - ces singuliers chants de louange sont au nombre de six - les 5 premiers imprimés en prose, et le 6ème sur 10 strophes, dans l'Atheanum, tome III, 2° cahier, paru en 1800. Ils forment une opulente symphonie directement greffée sur le tronc vigoureux de l'expérience intérieure et de la radicale et douloureuse conversion du poète demandant à la nuit et à la mort ce que les autres attendent étroitement du jour et de la vie. Ce ne sont que seize pages dans l'imprimé original, mais leur place est unique dans l'histoire des littératures. Unique et essentielle. Car il y a peu d'œuvres, finalement, dans le foisonnement d'ouvrages originaux et attachants du Romantisme allemand, dont la respiration universelle conservera toujours en vie ce qui fut bien un mouvement profond de l'Homme, l'empêchant de passer comme passent nécessairement toutes les écoles littéraires ou esthétiques. Avec les Hymnes à la Nuit, le génie de douceur et de grâce, de douleur, d'audace et de ferme volonté de Novalis est entré dans la poésie comme saint Jean de la Croix, par la contemplation de la Nuit Obscure, s'est élevé à la connaissance surnaturelle. L'hymne III, plus étroitement lié aux manifestations sensibles de ce renversement intérieur, au centre du poème, en est plutôt le cœur infiniment interrogeable que la clef systématique, comme ont pu le prétendre certains commentateurs.

"Novalis. Le miracle chez lui, ce pourquoi je m'acharne à le rendre à lui-même en français (et non pas, comme d'autres, à en restituer les "matières"), c'est précisément que, né dans et sous le marécage allemand, obligé d'en subir la langue humide, il ait eu néanmoins un esprit d'une autre race spirituelle, et qui respirait un autre air. Il a, entre autres, découvert et pratiqué un Zen spontané, génial (le seul possible en Occident) qui l'a conduit au "satori" - à l'illumination universelle sans lumière - par une fixation contemplative de l'autre côté de la mort."

Lettre à Cioran, 7 mai 1969.