PATRICK RINGGENBERG

GUIDE CULTUREL DE L'IRAN

Patrick Ringgenberg, Guide culturel de l'Iran, Rowzaneh Publications, Téhéran, 2006

Pour l'Europe, le Guide culturel de l’Iran est distribué par :

 Librairie Bernard Letu, 2, rue Calvin, 1204 Genève

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Du même auteur

Patrick Ringgenberg, La peinture persane, Les Deux Océans, 2006

L'union du Ciel et de la terre, La peinture de paysage en Chine et au Japon, Les Deux Océans, 2004

L'Art chrétien de l'image. La ressemblance de Dieu, Les Deux Océans, 2005

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Boukhara

Monuments

Décors

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La citadelle

Jardins et palais

Aperçus

 

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Sommaire - Recensions - Islam et islamologie

 

 

  Le présent Guide culturel de l'Iran n'est pas seulement un guide culturel et touristique, il se présente plutôt comme une mini-encyclopédie de l'Iran, par ses dimensions (512 pages, et plus de 1300 photographies, dessins et cartes) ainsi que par la richesse exceptionnelle de sa documentation. Patrick Ringgenberg réalise avec ce Guide une somme sur la civilisation iranienne qui n'a pas d'équivalent en langue française. On parcourra avec intérêt les chapitres consacrés aux arts et à la culture qui témoignent de la connaissance de l'auteur des réalités qu'il décrit, qu'il s'agisse de l'art des jardins, de la musique ou de la poésie, mais aussi du cinéma ou de la cuisine, au final de tout ce qui caractérise l'art de vivre iranien  - et on saluera à nouveau, comme dans La peinture persane (2006) son approche de l'intérieur des religions de l'Iran, approche qui est celle d'un « passeur » entre l’Orient et l’Occident. Un autre mérite de l'ouvrage est le guide touristique lui-même qui occupe la moitié de l'ouvrage, d'une extrême précision. Une soixantaine de pages d'annexes, enfin, complètent ce volume qui devrait faire date s'il reçoit l'accueil qu'on ne peut que souhaiter pour un travail de cette envergure.

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Addenda à l'édition 2006 (avec une sélection de liens sur l'Iran) [Nouveau]

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[ Extrait de la préface ]

« Pays de contrastes rares, puissants ou subtils, l'Iran est aussi un pays de continuité. Plus qu'un territoire ou une nation, l'Iran est un état d'esprit, un sens de l'homme. Son identité durable, reconnaissable au cours des millénaires, est une part de son mystère. Son art a toujours ébloui les sens pour mieux faire voir des beautés plus essentielles et invisibles. La Perse a su conserver une relation vivante avec son passé, diffuser son génie et ouvrir de nouvelles voies. Elle fut envahie (par Alexandre le Grand ou les Arabes), ravagée (par les Mongols et Tamerlan), mise sous tutelle (par les Anglais ou les Russes), mais jamais elle ne fut colonisée ou anéantie. Très ouvert aux influences extérieures (de l'époque mésopotamienne à la modernité occidentale), l'Iran n'a jamais cessé d'être iranien, et il a iranisé tout ce qu'il a reçu. Pays des dieux et des mystiques, la Perse fut aussi un territoire élu. De l'Elam à l'Islam, ses civilisations ont toujours inscrit l'homme dans un ordre à la fois terrestre et céleste. Les montagnes d'Iran ne sont pas seulement des amas de cailloux, mais des frontières entre l'homme et l'Invisible, des lieux d'apparition des dieux ou des anges. Les oasis, diraient les soufis, sont comme le miracle de l'Amour dans la terre brûlée de l'âme. L'histoire spirituelle de l'Iran semble placée Sous le signe d'une lumière qui n'a changé que pour rester immuable. Sans doute n'est-ce pas un hasard, si, depuis presque 3000 ans, la Perse a vénéré la lumière divine à travers le feu du Zoroastrisme, si elle a vu vivre quelques-uns des plus grands mystiques de l'Islam et si, à la fin du XXe, elle a accueilli une Révolution qui fait du gouvernement le représentant d'un ordre invisible. Qu'il soit sunnite ou chiite, l'Islam a trouvé en Iran des expressions poétiques , mystiques et philosophiques les plus hautes et les plus subtiles de son univers religieux.

      Les guides touristiques parlent trop des morts et de la poussière des siècles, mais l’Iran est un pays vivant, coloré, à la fois chaleureux et secret. Dans l'amour de la poésie, dans une spiritualité complexe et profonde, dans le goût pour les beautés de la vie et la noblesse des relations, la culture iranienne est un parfum et une présence qui n'a pas disparu, et qui n'a pas été reléguée dans un passé lointain et perdu. Elle se vit encore comme un art de l'homme et une contemplation à fleur de peau.

      Et aujourd'hui? Admirée pendant des siècles, la culture iranienne est une grande méconnue : on cite Darius ou Xerxès sans les connaître, la peinture persane n'est qu'une image imprécise, on confond les Arabes et les Persans, et l'on se souvient à peine que le Christ enfant fut visité par des mages venant de Perse. Si après la Révolution islamique, l'Iran semble s'être fermé à l'Occident, l'Occident s'est également fermé à l'Iran, oubliant tout ce que fut la Perse et tout ce qu'est l'Iran aujourd'hui. L'Iran ne fut jamais un pays à la mode, et on peut souhaiter qu'il ne le devienne jamais, pour le préserver; mais pour les amoureux de l'histoire et de l'art, des jardins secrets et des hauts lieux de spiritualité, la Perse demeure l'une des plus belles (re)découvertes que l'on puisse faire aujourd'hui. »

 

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[ Extraits ]

Nomades

« Avec les paysans et les citadins, les nomades sont une composante essentielle de la société iranienne, de sa culture et de son histoire. En 1987, l'Iran comptait environ 1 200 000 nomades et 96 tribus. Ils n'occupent pas les déserts, mais les montagnes, et principalement le Zâgros. Les tribus Bakhtyâris, Qashqâ'is, Baloutches, Turkmènes, Kurdes, Mamasâni ou Shâhsavan vivent essentiellement de l'élevage de moutons et de chèvres, puis de chevaux, d'ânes, de mulets, de bœufs ou de chameaux. Ils tirent également un revenu de petites cultures et de la vente de tapis de laine. Chaque tribu est divisée en clans puis en lignages ; chacune possède une hiérarchie sociale qui lui est propre, dominée par un chef (khan) qui rend la justice, dirige les déplacements de la communauté et la représente vis-à-vis de la société et du gouvernement. Pour l'essentiel, la situation actuelle des nomades trouve son origine au XIIIe. Devant l'invasion mongole, des nomades en majorité turcs fuirent d'Asie centrale en Iran, où ils modifièrent la vie semi-nomade des populations de montagne. Dès la dynastie qâdjâre (XVIIIe s.), les nomades forment de véritables «états dans l'état». Ils prennent une part croissante à la politique et aux affaires du pays, tantôt opposants, tantôt alliés, tantôt concurrents du pouvoir à Téhéran. Aux XIXe et XXe siècles, les puissances occidentales ont fréquemment manipulé les tribus pour étendre leur influence et contrôler les événements et les rapports de force. Sous le règne des Pahlavis, des campagnes de sédentarisation forcée, directe ou indirecte, sont menées, mais se soldent par des échecs. Aujourd'hui, pourtant, les nomades sont presque tous sédentarisés. Ils cultivent des parcelles de terre et leurs mouvements sont principalement des transhumances: avec leurs troupeaux et leur maigre bagage transporté à dos d'âne, ils montent des plaines aux montagnes au printemps et descendent des montagnes aux plaines en automne. »

Poésie des jardins

 

« La végétation a fourni aux poètes une gamme d'images, de parfums et d'harmonies, susceptibles de traduire les raffinements de l'âme, les profondeurs de la sensualité ou les états mystiques. Les poètes ont donné le titre de «jardin» (golestân ou bustân) à leurs œuvres. La peinture persane aime représenter une nature immatérielle de pureté, plus édénique que naturaliste, qui semble être le visage secret des êtres et une présence de l'Amour divin. La rose, associée surtout à la ville de Shirâz, résume presque toute une civilisation ou une conscience du monde: image de l'amour, des sciences secrètes ou des subtilités du cœur, elle est l'insigne de la Beauté divine. Pour le soufi, la rose de la connaissance de Dieu se cueille au milieu des épines de l'ascèse et de la mort d'amour. Les Qâdjârs ont aimé peindre le mariage du rossignol et de la rose, symboles de l'amoureux et de la bien-aimée. L'arbre est aussi une image de l'univers (« l'Arbre du Monde ») ou de la connaissance spirituelle qui rend immortel (« l'Arbre de Vie »). Il symbolise l'axe de l'éternité autour duquel tournent les mondes. Le Coran compare la parole de Dieu à un arbre, dont la ramure céleste est portée par des racines profondes, et qui offre des fruits en toute saison. Arbre aimé des poètes, le cyprès évoque un corps élancé et harmonieux. Un poète écrivait d'une belle: «Ta taille est comme un pin sur le rivage de la mer; le Touba [un arbre du paradis] est jaloux de ta taille semblable au port d’un cyprès ». D’anciens arbres, parfois proches de mausolées de saints, sont considérés comme sacrés : sur les branches, les gens nouent des fragments de tissu en espérant voir leurs vœux exaucés. »

L'Imam des chiites

« Pour le sunnisme, l'imam est la personne qui dirige la prière dans les mosquées et qui officie lors des mariages et des enterrements. Mais pour les chiites, l'Imam est la personnification et le détenteur d'une connaissance à la fois exotérique et ésotérique. Les douze Imams ne sont pas seulement des figures historiques, mais des archétypes éternels de l'Esprit. Invisibles mais toujours présents au cœur des croyants, ils sont des guides spirituels et des intercesseurs entre l'homme et Dieu. Les Imams sont des initiateurs, qui possèdent un pouvoir de sanctification et le don de révéler les significations ultimes de la prophétie de Muhammad. Si le Coran a révélé une parole de Dieu lisible par tous, ce sont les Imams, et en premier lieu Ali, qui détiennent le sens caché et vivant des versets coraniques. Ces conceptions sont refusées par le sunnisme qui ne peut admettre un intermédiaire entre Dieu et l'homme et qui accentue la transcendance de Dieu. Le calife des sunnites est une autorité essentiellement temporelle, héritière du Prophète comme chef de la communauté musulmane, alors que l'Imam chiite possède une sorte de royauté sacrée et de fonction sacerdotale. »