"L'éveil
libérateur s'accomplit dans le désert, c'est-à-dire dans le pays de la soif, de la
lecture des signes et de la rencontre. La véritable rencontre s'effectue au dedans, et
devient expérience. Une indicible expérience dont l'essentiel est inconnaissable."
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Docteur ès lettres avec une thèse sur Guillaume de
Saint-Thierry, Marie-Madeleine Davy est connue pour ses études médiévales. On pense, en
particulier, à son Initiation à la symbolique romane, Flammarion, 1982. Mais,
c'est à la femme toute de courage et d'intériorité qui disait : "J'ai cherché l'Absolu. Je ne le cherche plus", que le souvenir
s'attache maintenant qu'elle a rejoint la vraie Vie.
Elle a fait passer dans ses ouvrages l'admiration
qu'elle portait à ces "hommes de lumière" qu'elle a croisés durant sa vie, de
Henri le Saux à Nicolas Berdiaev, de Simone Weil à Henry Corbin. Elle disait aussi :
"La différence entre les hommes se réduit à celle-ci : la
présence ou l'absence de l'expérience spirituelle".
Elle a témoigné, enfin, des réalités de
l'expérience spirituelle, de la quête de l'intériorité, de la solitude et du silence,
de son appartenance à cette Église intérieure qui était pour elle un signe pour notre
temps : "Qu'il s'agisse de l'Orient ou de l'Occident,
disait-elle, nous ne sommes plus à l'époque
des maîtres, mais à celle du guru intérieur, de l'Église intérieure."
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Témoignage
personnel
J'ai rencontré à plusieurs reprises Marie-Madeleine
Davy, le plus souvent chez elle, 21, rue Racine, dans son bureau encombré de livres, de
manuscrits. J'ai participé aussi une fois avec elle à une session de l'Université de
Saint-Jean de Jérusalem (elle se tenait sur une petite table, tout au fond de la salle,
avec ses cigarettes et un cendrier, elle fumait sans cesse).
Elle me disait que son plus grand amour avait été
Maître Eckhart qui lui avait enseigné le détachement de soi.
Dans nos conversations à bâtons rompus, nous
évoquions Louis Massignon, - sur qui elle a donné de nombreux témoignages -, Marcel
Moré, Jean Daniélou, et la revue Dieu vivant, mais aussi Jeanne
Ancelet-Hustache, traductrice de Maître Eckhart, et surtout Henry Corbin, son voisin et
ami. C'est elle qui m'a conseillé la lecture de L'homme de lumière dans le soufisme
iranien, qu'elle avait publié dans la collection "Le soleil dans le
cœur"
qu'elle dirigeait aux Éditions Présence.
Nous parlions aussi de son besoin de silence avant
chacune de ses conférences, de son public. Elle me disait combien l'expérience
intérieure est une voie abrupte, douloureuse parfois, et toujours solitaire, qu'il
fallait laisser venir à soi les maîtres visibles ou invisibles, qu'il n'y avait pas à
les rechercher, que les honneurs étaient pure vanité, qu'il suffisait de s'éloigner
quelque temps de Paris pour être tout à fait oublié, etc.
Je suis passé un jour devant sa maison du Poitou, sa
retraite, son désert, avec le grand vent d'Ouest, la pluie, les arbres sombres et
d'innombrables freux, ce proche parent des corbeaux, de ce corbeau dont elle parlait dans L'oiseau
et sa symbolique comme "l'ami des ermites [qui] nourrit les solitaires".
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