Pavillon de l'Allemagne,
Exposition universelle de Paris, 1937
"Aujourd'hui, quand je regarde les
journaux et que j'assiste au triomphe de cet art qui est bel et bien celui
de ma génération, il m'apparaît clairement après coup que je n'ai pas
épousé mon époque. Je n'ai jamais désiré posséder un Pechstein ou un
Kirchner, je ne pouvais pas m'offrir un Blechen, et mon rêve aurait été
d'acquérir un Caspar David Friedrich. (...) Et je me rends bien compte
maintenant, en feuilletant les dessins que j'ai faits dans ma cellule, que
tout ce que je fais relève du romantisme, et que j'ai été le contemporain
d'une révolution artistique qui n'a laissé sur moi aucune trace" 24
décembre 1956
La nouvelle Chancellerie du
Reich, détruite en 1945
"Parole de pierre"
"Albert Speer est sans doute l'architecte le plus
célèbre du XXe siècle. Paradoxalement, son œuvre est généralement
ignorée ou simplement inconnue. Il n'est pas moins vrai que pendant
quarante ans, peu de sujets ont autant fasciné et en même temps
déconcerté la profession et le public que les rêves architecturaux du
Führer.
Le manque
général d'information, les quelques images de propagande gravées dans
les mémoires et, enfin, les évocations rétrospectives de Speer lui-même
continuent de confondre les esprits. Il s'ensuit que la plupart des gens
ne se gênent nullement pour juger et condamner en bloc un phénomène
qu'ils se refusent par ailleurs à étudier. A l'instar de beaucoup
d'autres problèmes fièrement refoulés, les projets de Speer continuent à
être l'objet d'un embarras fasciné.
Le fait même
de s'occuper de l'œuvre architecturale d'Albert Speer sans la volonté
arrêtée de la condamner est considéré aux yeux de beaucoup d'esprits,
autrement sains, comme une complicité de crimes sordides. Ce jugement
irréfléchi ne peut s'expliquer que par le fait qu'au procès de
Nuremberg, l'architecture classique fut implicitement condamnée à des
peines bien plus lourdes que Speer, le ministre du Reich.
En explorant
l'univers colossal de Speer et de son client, ce livre démontre que
c'est uniquement par le biais d'un retournement copernicien que nous
réussirons à comprendre la vraie nature, le but et les moyens de cette
architecture : nous découvrirons alors l'extraordinaire parenté existant
entre ce qui se voulait « parole de pierre » et tout ce bavardage de
béton, de verre et d'acier qui rend aujourd'hui nos villes si difficiles
à vivre." |