« Les Rois Mages, par l'hommage qu'ils rendent
au Christ et par les présents qu'ils lui offrent, reconnaissent expressément
en lui la source de cette autorité dans tous les domaines où elle
s'exerce : le premier lui offre l'or et le salue comme roi ; le second
lui offre l'encens et le salue comme prêtre ; enfin, le troisième lui
offre la myrrhe ou le baume d'incorruptibilité et le salue comme prophète
ou Maître spirituel par excellence, ce qui correspond directement au
principe commun des deux pouvoirs sacerdotal et royal. L'hommage est
ainsi rendu au Christ, dès sa naissance humaine, dans les "trois
mondes" dont parlent toutes les doctrines orientales : le monde
terrestre, le monde intermédiaire et le monde céleste. »
René Guénon Le
pèlerinage intérieur, la voie initiatique, consiste à aller vers cet
Orient qui est l’horizon oriental du monde terrestre et à en franchir
les limites. Alors se découvre un nouvel orient qui est la frontière du
Monde intelligible, de l’Orient de l’âme. A la suite
de l’Ange, il faut alors traverser le monde
oriental, pour atteindre ce nouvel
horizon – dans une voie ascensionnelle au-delà de la
montagne qui figure le Monde de l’âme, ou dans une traversée
qui mène aux rivages d’une Île blanche, où l’initié parvient à
la plénitude de son initiation : « Le Yogi, ayant
traversé la mer des passions, est uni avec la Tranquillité et possède
le « Soi » dans sa plénitude » (cité par René
Guénon, in Le Roi du Monde).
C’est
ainsi que, pour atteindre l’Île blanche, qui signifie la Délivrance,
il faut naviguer sur les eaux « supérieures », en
empruntant la barque de l’Amour fidèle, de l’Amour divin, de la même
manière qu’on parvient à la Source de Vie, qui représente le salut,
et le Paradis terrestre, en naviguant sur les eaux inférieures, sur la
barque de l’amour humain. La voie initiatique pourrait ainsi être
caractérisée par deux navigations successives, d’un rivage occidental à
un rivage oriental, puis de ce rivage à un autre rivage extrême
oriental, si l’on peut dire. Mais qu’il s’agisse de navigation
intérieure ou de périple terrestre, naturellement, ces itinéraires ne se déroulent
pas à la surface de la terre, ils n’appartiennent pas à la géographie
physique. A
partir de cette répartition en trois Mondes, on peut considérer trois Formes qui sont
celles « de l’Être et du Connaître » propres à chacun
de ces trois mondes. Il s’agit des Formes intelligibles, des Formes
imaginales et des Formes sensibles, qui sont « celles qui tombent
sous la perception des sens ».
A
partir de ces Formes on peut également définir trois modes d’être.
On
trouvera une illustration de la voie initiatique, dans cette citation de
Henry Corbin : « Dans l’ordre descendant de la
procession de l’être, les Intelligences « se lèvent » à
l’Orient ou horizon de la déité, Lumière des Lumières. Les Âmes
célestes « se lèvent » à l’Orient, au matin qui est
pour elles le monde des Intelligences. Les âmes humaines déclinent
jusqu’à l’Occident du monde physique dans la Ténèbre de la
Matière, le « pays de l’exil » où elles ont à gouverner
provisoirement un corps de chair. Inversement, dans l’ordre de la
remontée vers l’origine, la Manifestation de l’âme hors du corps
physique par méditation profonde, par vision d’extase ou par la mort
– son aurore levante et son épiphanie après une Katharsis
ou purification parfaite – consiste en ce que se révèle à elle le
monde des Âmes qui est alors son « Orient ». Elle « se
lève » à cet Orient en se révélant à soi-même, c’est-à-dire
en s’enlevant de l’horizon du corps qui était pour elle son
Occident. Ensuite se révèle à elle le monde des Intelligences, Orient
majeur auquel elle « se lève » en s’enlevant plus haut
que le monde de l’Âme, qui devient alors comme un Occident par
rapport à « l’Intelligence orientale ». |