LE CENTRE

 

SOMMAIRE

Thèmes typiques

L'initiation - La discipline de l'Arcane et le Secret - Théories cycliques - Le Maître - Le Monde supra humain - La voie ésotérique : Essai de géosophie

 

 

 

Retour à Ésotérisme

 

> Selon René Guénon, « le dépôt de la connaissance initiatique effective n’est plus gardé réellement par aucune organisation occidentale. » C’est bien vers l’extrême orient qu’il convient de la chercher, et lui-même mentionne à ce sujet Swedenborg : voir Le roi du monde et Documents

 

« Il existe des centres spirituels « dont procède, directement ou indirectement, toute transmission régulière ». Ces centres sont dits « secondaires », parce qu’ils sont rattachés à un centre suprême « qui conserve le dépôt immuable de la tradition primordiale ». Ils en sont en quelque sorte les « reflets », mais aussi ils sont accessibles par la voie de l’initiation, le centre suprême étant, dans le cycle actuel où nous vivons, caché et pratiquement hors d’accès »

Antérieurement à notre présent cycle, l’Agarttha portait le nom de Paradêsha (ou contrée suprême, en sanscrit). De là vient le mot « Paradis ». Le Paradis terrestre n’est donc autre chose que cette contrée suprême, désormais inaccessible à tous les hommes, sinon au terme de leur vie, dans la voie du salut, car entrer en Paradis, c’est bien en retrouver l’accès et, par là-même reconstituer pour soi l’état édénique qui était celui de l’humanité avant qu’elle n’entre dans son cycle actuel. Au centre de ce Paradis – qui est notre Orient métaphysique – se trouve une montagne qui est mentionnée dans toutes les traditions, y compris dans le christianisme, (le Mont-Salvat de la Quête du Graal et tous les « Sauveterre »). C’est le Mont Méru dans l’hindouisme, ou la montagne de Qâf dans la tradition islamique. Elle est naturellement inaccessible et se trouve située « hors de l’atteinte de tous les cataclysmes qui bouleversent le monde humain à la fin de certaines périodes cycliques ». Elle figure donc le Centre du monde.  

             On trouve une illustration de cette géographie spirituelle dans le Récit de l’exil occidental de Sohravardî. La montagne de Qâf porte ici le nom de Sinaï : 

             « Je sortis des grottes et des cavernes, et j’en finis avec les vestibules : je me dirigeais droit vers la Source de la Vie. Voici que j’aperçus les poissons qui étaient rassemblés en la Source de la Vie, jouissant du calme et de la douceur à l’ombre de la Cime sublime. « Cette haute montagne, demandai-je, qu’elle est-elle donc ? Et qu’est-ce que ce grand rocher ? »

           « Je fis l’ascension de la montagne. Et voici que j’aperçus notre père à la façon d’un grand Sage, si grand que les Cieux et la terre étaient près de se fendre sous l’épiphanie de sa lumière. Je demeurai ébahi, stupéfait. Je m’avançai vers lui, et voici que le premier, il me salua. Je m’inclinai devant lui jusqu’à terre, et j’étais pour ainsi dire anéanti dans la lumière qu’il irradiait. »

           « Sache que cette montagne est le mont Sinaï ; mais au-dessus de celle-ci, il y a une autre montagne : le Sinaï de celui qui est mon père et ton aïeul, celui envers qui mon rapport n’est pas autre que on propre rapport avec moi »

         « Et nous avons encore d’autres aïeux, notre ascendance aboutissant finalement à un roi qui est le Suprême Aïeul, sans avoir lui-même ni aïeul ni père. Nous sommes ses serviteurs : nous lui devons notre lumière ; nous empruntons notre feu à son feu. Il possède la beauté la plus imposante de toutes les beautés, la majesté la plus sublime, la lumière la plus subjugante. Il est au-dessus de l’Au-dessus. Il est Lumière de la Lumière et au-dessus de la Lumière. »

            René Guénon fait remarquer que toutes les pierres sacrées, les bétyles, et autres Omphalos sont des symboles de cette montagne sacrée. A son sommet, et comme « au-dessus » de celle-ci, commence une autre terre, un « paradis céleste » qui est l’Orient de l’âme. Ce Paradis céleste fait référence ici au « centre premier et suprême » qui est Tula, dont les Grecs ont fait « Thulé ». Il est aussi une « île blanche » : 

« La brise me pousse vers ces rivages où l’Ange m’a entraîné au temps de mes rêves d’adolescent. Vers ces îles inconnues, perdues dans l’immensité de l’Océan, ou vers ce royaume de Thulé que j’ai abordé autrefois dans la lumière hyperboréenne. Vers ce mont Saber, enfin, où l’ange du Yémen m’attend, sur le seuil de la Caverne des Ahl al-Kahf.

La brise me conduit vers toi. Elle n’a cessé de m’accompagner, pour me guider, de souffler sur ma barque solitaire, d’en gonfler les voiles, de remplir le Silence de la mer. Il me suffisait de penser à toi, à ton visage de beauté, à ton cœur blanc comme l’écume, pour que ma barque s’anime, portée par la vague. Voici les rivages tant désirés, les plages de sable, la ligne des palmiers, et, dressée sur l’horizon, la mosquée blanche. Et puis te voici, toi, ma brise douce et parfumée, mon souffle, marchant le long du rivage, le visage tourné vers l’Océan. Je reconnais tes pas, ta démarche gracieuse. Seul ton visage me reste invisible... Mais son image ne m’a pas quitté un seul instant et demeure dans le secret de mon cœur comme le visage même de l’Amour et de la fidélité amoureuse. Tu t’avanceras au-devant de moi et je verrai ton visage. Je verrai l’Ange de la beauté, et la beauté de l’Ami ne me sera plus jamais voilée.

Mais la brise garde son secret. Tu n’es encore qu’une silhouette lointaine, tandis que grandit la plage où tu m’attends solitaire comme moi et silencieuse : dans le Silence de l’amour. Que seront les premiers mots que nous échangerons ? Les mots du Secret qui est le nôtre ne se divulguent pas - le regard seul les exprime : silencieusement. L’Océan les connaît ainsi que nos deux cœurs. Et c’est assez. »         

L’accès à ce Paradis céleste s’opère donc dans des conditions bien particulières, soit en progressant régulièrement dans « les états supérieurs de l’être », soit de manière directe, à travers des visions, comme celle-ci, décrite par Rûzbehân Baqlî :

« Il arriva que je me vis au-dessus du mont Sinaï. Je vis Dieu – gloire à Lui – venant des jardins de l’éternité sans commencement. C’était comme si se répandaient là des roses rouges et blanches, des perles et des joyaux. »