CASPAR DAVID FRIEDRICH

Personnages vus de dos

SOMMAIRE

Aperçus biographiques

Documents (Contemporains de Friedrich)

A propos de Friedrich (Ricarda Huch, Albert Béguin)

Le retable de Tetschen

Bibliographie - liens

 

Études :

Symbolique dans l'œuvre de Friedrich

 

Sur les pas de Caspar David Friedrich :

Dresde :

Cimetière Trinatis

Museum zur Dresdener Frühromantik

Greifswald

Eldena

L'île de Rügen :

Cap Arkona

Hertha See

 

 

 

 

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Femme à la fenêtre, 1822

 

 

 

 

La femme au coucher (ou au lever) du soleil, 1818

 

"Il ne peignit jamais de visages, ses personnages, le plus souvent, nous sont montrés de dos et nous avons pourtant le sentiment, parfois, infiniment troublant, dans le mouvement même de l'anamnèse, que ses tableaux nous regardent, comme s'ils nous étaient soudain devenus des visages : ici l'Ame du Monde rencontre l'Ange de la face, dans la lumière d'un regard - et qu'est donc l'épreuve du regard, sinon l'épreuve de l'éveil même du sens, quand le monde se recrée en se transfigurant?"

Michel Le Bris, Journal du romantisme, Skira, 1981

 

          Parmi les personnages vus de dos que l’on rencontre sur les tableaux de Friedrich, tous ne revêtent pas la même signification. Pourtant, en règle générale, s’ils sont représentés en cette posture, c’est parce que ce qu’ils contemplent s’avance au-devant de nous. C’est en cela que Friedrich peut être dit un peintre visionnaire, même si ses visions ne présentent que rarement un aspect visionnaire, comme un William Blake. L’expérience spirituelle de Friedrich est celle des théosophes, pas des visionnaires. Il ne confond pas la Terre céleste et le Monde céleste, comme un Swedenborg.

C’est le monde de l’Esprit qu’il nous donne à contempler. Ses visions s’originent dans le « fond de l’être ».

         La jeune fille à sa fenêtre, qui représente sans doute Caroline Bommer, son épouse, regarde à l’extérieur, mais sa contemplation est intérieure. Elle est une image de la contemplation, comme nombre de personnages de l’œuvre de Friedrich. Dans son célèbre tableau : Les blanches falaises de Rügen, un personnage désigne du doigt un point où porter son regard, à un second personnage. Le troisième contemple, et sa contemplation est intérieure.

         Le voyageur au-dessus de la mer des nuages contemple un paysage qui ne peut être qu’intérieur. Ce qu’il voit, depuis le sommet où il se tient, c’est un paysage intermédiaire, intermédiaire entre le monde terrestre et le monde céleste, ce qu’il contemple, c’est la Terre céleste.

         C’est aussi l’image de ce Ciel tel que le contemple les Anges.

Anges, 1826

         La femme au coucher du soleil (1818), n’est pas un personnage du monde terrestre, elle figure notre âme contemplant le monde intérieur, qui est son monde, le Monde de l’Ame.

La grande réserve

          Dans La grande réserve (1833), il n’y a pas de personnages, car nous entrons avec ce tableau dans la dimension la plus secrète de la contemplation, celle qui est de l’ordre des théophanies.

         Le monde qui est donné à voir dans ce tableau n’est pas le monde terrestre, ni le monde intermédiaire, il procède d’une vision intérieure et il marque un seuil, le seuil de ce « désert » dont toutes les images sont absentes. Il s’agit par conséquent d’un paysage visionnaire très particulier, qui n’est pas du monde intermédiaire, mais qui procède du « fond de l’être ».

« Nous percevons plus que ce que nous percevons ; mais nous conservons seulement ce que nous percevons », dira Friedrich. Dans La grande réserve, quelque chose a été conservé de ce qui habituellement nous échappe, et c’est pourquoi ce tableau, dont tout symbolisme est absent, constitue une œuvre majeure, non seulement dans l’œuvre de Friedrich, mais de l’histoire de l’art, d’Orient et d’Occident.

C’est un paysage qui s’avance au-devant de nous, c’est-à-dire depuis le « fond de l’être ». On sait qu’au-delà cessent toutes les images – les théophanies formelles.

C’est pourquoi, en conclusion, il est possible de dire : « Visionnaire, l’œuvre de Friedrich l’est incontestablement, pourtant elle nous conduit en un désert ».