STÉPHANE RUSPOLI,
Écrits des Maîtres soufis -
Trois traités de Najm Kubra
Le soufisme
s’impose comme un phénomène mystique et religieux
très complexe et diversifié depuis les origines de
l’islam jusqu’à nos jours, où il subit, comme le
Bouddhisme Zen et le Yoga asiatique, le
gauchissement médiatique des philosophies
syncrétistes du New Age.
Pour beaucoup
d’occidentaux, la vraie spiritualité musulmane se
ramène à quelques grands noms comme Rûmî
(1207-1273), Ibn Arabî (1165-1240), Sohravardî
(1191) ou Hallâj (922). Mais n’oublions pas que ces
penseurs, fort différents par leur doctrine et leur
milieu d’origine, n’ont de commun que leur
appartenance à la voie intérieure de l’islam, qu’on
désigne par soufisme. Ils étaient pratiquement
inconnus du grand public, voici moins d’un siècle,
avant les travaux des savants orientalistes. Seule
une anthologie comparable la Philocalie des Pères
neptiques permettrait d’apprécier la richesse de
cette littérature mystique.
C’est l’objet de
la présente série intitulée les Maîtres du
soufisme que de faire découvrir, au-delà des
grands intellectuels qui ont illustré le soufisme,
ceux qui furent vraiment, au milieu de leurs
disciples, les Maîtres et les passeurs de la voie
soufie. Présentés selon le principe des Carnets
spirituels d’une manière simple et synthétique,
les ouvrages de cette série ont l’ambition de
constituer une initiation à la voie soufie en ce
qu’elle a de plus pratique et authentique, en
particulier en ce qu’on appelle « la voie du
cœur » (dhikr).
Le livre
Au début de
l’islam, l’apparition du soufisme répond au désir
d’approfondir le sens de la vie religieuse à partir
des préceptes du Coran et des récits des prophètes
de la tradition biblique. Il présente une dominante
ascétique et dénote l’influence du monachisme
chrétien issu des anciens Pères du désert.
Sous le titre
des Maîtres du soufisme, ce premier cahier propose
une initiation à la doctrine des soufis interprétée
par le shaykh Najm Kubrâ (1146-1221) qui diffusa au
tournant du
xiie/xiiie
siècles (vie/viie
s. de l’hégire), en Asie centrale, un enseignement
spirituel de grande valeur. Kubrâ a analysé les
étapes du dévoilement de la lumière divine par
l’ascèse et la prière du cœur, que nous appelons le
« dhikr théophanique». Cette méthode
d’oraison n’est pas sans rappeler celle des moines
hésychastes du christianisme oriental, et elle est
mise en relief dans les textes de Kubrâ et ses
successeurs. Elle a fait autorité tout au long de
l’histoire ultérieure du soufisme.
Ce volume
présente trois opuscules de Kubrâ, traduits de
l’arabe et du persan : Les Dix Fondements de la
vie spirituelle, La Missive au voyageur
errant et Le Port de la khirqa. Ce
dernier texte, par exemple, permet de remonter aux
origines mêmes du soufisme : « Le terme sûfî,
affirme Kubra, est dérivé de sûf (la laine) ».
Quant au terme générique désignant le froc de laine
ou « khirqa », il provient d’une racine
signifiant « déchirer », «lacérer ».
Terme éclairant, qu’on n’a pas assez remarqué
jusqu’à ce jour : le soufi engagé dans une vie de
renoncement et de sacrifice volontaire a souvent le
cœur déchiré à la pensée d’être maintenu loin de
Dieu et il lui arrive, dans les états de crise ou
d’angoisse spirituelle aigüe, de « lacérer ses
vêtements ».
L’auteur
Ancien élève
diplômé des Hautes études (Sciences religieuses) et
de l’école des Langues orientales, Stéphane Ruspoli
est l’auteur d’articles et d’ouvrages sur la
mystique musulmane (soufisme). Parmi ses récent
livres, citons Le Livre des Théophanies d’Ibn
Arabî, Le Traité de l’Esprit saint de
Ruzbehân de Shîrâz, Le Message de Hallâj
l’Expatrié (au Cerf, collection Patrimoines). |