« Le contact entre Dieu et l’homme se
fait « entre Ciel et Terre », dans un monde médian et médiateur »
Selon le mot du philosophe Christian Jambet, Henry Corbin a ressuscité « la métaphysique de
l’imaginal en terre d’islam ». Et l’on peut tenir cette « résurrection »
comme un apport les plus significatifs de son œuvre.
Dans son ouvrage, Corps spirituel et
Terre céleste, le Prélude à la deuxième édition (1978) s’intitule
« Pour une charte de l’Imaginal ». On y lit ceci : « La fonction du
mundus imaginalis et des Formes imaginales se définit par leur
situation médiane et médiatrice entre le monde intelligible et le monde
sensible. D’une part, elle immatérialise les Formes sensibles, d’autre
part, elle « imaginalise » les formes intelligibles auxquelles elle donne
figure et dimension. Le monde imaginal symbolise d’une part avec les
Formes sensibles, d’autre part avec les Formes intelligibles. C’est cette
situation médiane qui d’emblée impose à la puissance imaginative une
discipline impensable là où elle s’est dégradée en « fantaisie », ne
secrétant que de l’imaginaire, de l’irréel, et capable de tous les
dévergondages. »
L’apport le plus remarquable
chez Henry Corbin est donc d’avoir « revivifié » pour l’Occident
ce mundus imaginalis, « qui n’est ni le monde empirique des sens ni
le monde abstrait de l’intellect » – dont la notion – et donc la
réalité – s’était éclipsée depuis plusieurs siècles de pieux
agnosticisme et de Lumières. On conviendra qu’il s’agit de quelque chose
qui éclaire considérablement le sens de notre pèlerinage vers nos
origines, vers l’Orient, cette nostalgie du « paradis perdu », qui aiguise
notre sentiment d’exil en ce monde et avive, pour les uns, le désir
eschatologique du monde à venir, pour les autres, l’attente de leur
délivrance.
« Que l’on entende pas le
mot « images » au sens où de nos jours on parle à tort et à travers d’une
civilisation de l’image ; il ne s’agit jamais là que d’images restant au
niveau des perceptions sensibles, nullement de perceptions visionnaires.
Le mundus imaginalis de la théosophie mystique visionnaire est un
monde qui n’est plus le monde empirique de la perception sensible, tout en
n’étant pas encore le monde de l’intuition intellective des purs
intelligibles. Monde entre-deux, monde médian et médiateur, sans lequel
tous les événements de l’histoire sacrale et prophétique deviennent de
l’irréel, parce que c’est en ce monde-là que ces événements ont lieu, ont
leur « lieu ».
L’Imagination
créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî |