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"La pièce où je suis a un plafond de lattes
serrées les unes contre les autres et reposant sur de solides troncs de palmiers
équarris : bois jaune et fibreux. Fusil pendu au mur. Dans les trous de la muraille, on
entasse toutes sortes d'objets - sucre, peignes, babouches - ce sont les placards. Au sol
une grande natte que Chibani a apportée et étalée. Je suis assis sur le bât du
chameau.
C'est là que je dors, que je mange des dattes pas mûres, de la
gazelle en brochettes ou en sauce toujours fortement pimentée - servie dans une grande
cuvette d'émail blanc et bleue qu'on est tout étonné de trouver là.
C'est là aussi que j'écris, que je soigne mon deuxième orteil du
pied gauche dont la plaie, après s'être cicatrisée, a blanchi, s'est élargie, est
devenue vilaine."
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A Tigilit, après l'échec du premier raid"Dans cette attente pénible, Smara devient
pour moi une chose aride. Moi-même tout entier me dessèche pour ainsi dire ; ma tête se
resserre autour de cette seule volonté que je sens en moi, dure, irrévocable : en finir,
atteindre mon but. Et cette évocation même ne me donne point de joie. Je ne puis faire
naître cette exaltation qui m'emporte à d'autres moments. Je ne suis que crispé. Je
n'ai aucune parcelle de douceur en moi. Je ne puis plus penser aux miens, à l'avenir, au
passé. Je me sens dans un éloignement, dans une solitude presque inhumaine. Une seule
chose s'impose qui n'admet pas qu'un instant je m'en sépare. Je n'ai plus de ces
craintes, maladies, oued Dra enflé, puits desséchés, homme de mauvaise volonté,
fourberie des cheikhs, rien de tout cela. Les jours ne comptent plus. je suis un peu comme
le jouer qui perd et qui s'entête."
mercredi 22 octobre
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