Ce
qu'en dit Ella Maillart
Ella Maillart séjourna
fréquemment de 1939 à 1945 auprès de Ramana Maharshi dont elle reçut
l'enseignement. "Je suis venue à Tituvannamalai afin
de vivre auprès d'un Maître incarnant la sagesse hindoue, et tandis que
qu'un cours pour débutant m'eût mieux convenu, je me trouve trébuchant, de
but en blanc, dans l'aride silence du Vedanta qui, à la fin des Vedas,
propose l'essence de la connaissance hindoue"
"Jeune, le Maharishi avait écrit en
vers tamouls : "Lumière de la Conscience qui tout embrasse, c'est en toi
que se forme l'image de l'univers, qu'elle y demeure et s'y dissout,
mystère qui détient le miracle de la vérité. Tu es le Soi intérieur, le
"Je" vibrant dans le coeur. Coeur est ton nom, ô Seigneur!"
Les raisons qui avaient donné vie à
cette phrase m'envahissent, abolissant en moi la solitude, et cette
plénitude me fait oublier le lieu et le temps. Profonde, unique,
précieuse, elle est incommunicable. En ouvrant les yeux, je vois le soleil
couchant souligner d'or un nuage majestueux. N'est-ce pas le symbole même
de ma méditation : la lumière de la conscience, joie immuable, n'est-ce
pas l'origine de toute forme? N'est-ce pas la voie véritable?"
Ella Maillart, Ti-Puss
"La leçon facile vient du
sage, un homme qui vit dans la paix et la maîtrise absolue de soi,
qualités qui émanent de lui (il n'est pas particulièrement beau mais
tellement bon et candide), ce qui fait l'effet d'un baume. La leçon plus
subtile, que je n'ai pas encore apprise, est la suivante : cet homme
unique, dont la vie a été intense depuis l'enfance, a réussi à l'aide d'un
sixième sens à explorer la voie difficile qui mène à la racine de la
conscience; il existe là une énergie qui est éternelle, qui n'a rien à
voir avec le corps et qui est régie par les lois - cachées pour nous - qui
gouvernent l'univers. Dans notre ignorance, nous appelons certaines choses
"mauvaises" parce que nous ne pouvons pas comprendre que le bon peut
surgir du mal, et que tout est le résultat de causes préalables. Ce n'est
que par la soumission, le détachement, par l'effort de connaître le vrai
soi - cette part de la conscience profonde et éternelle qui est en chacun
de nous - que nous trouverons le bonheur permanent que nous poursuivons,
aidant par là-même l'humanité à s'élever au-dessus de notre état
semi-animal.
Des familles entières
viennent se prosterner devant lui, s'allongeant trois fois, d'abord avec
leurs bras étendus vers l'avant, ensuite ramenés le long du corps, tandis
qu'une joue puis l'autre touchent le sol qu'ils embrasent enfin. Les
jeunes enfants qui essaient de faire cela sont charmants et reçoivent le
même sourire lumineux que les singes qui viennent mendier, ou la vache
qui, chaque fois qu'on omet de l'attacher, vient voir le sage. On lui pose
peu de questions parce que peu de questions se posent : dès que l'on se
trouve près de lui, on se rend compte que la plupart des questions ne sont
que des mots et ne font pas partie des choses vraiment vitales. Sa
présence agit dans un sens positifs qui nous fait sentir : La réponse est
en moi et pour qu'elle soit de quelque profit, je dois la trouver
moi-même"
Ella Maillart, lettre à sa mère, 5 novembre
1940 Ce qu'en dit Henri Le Saux
Henri Le Saux rencontra
Ramana Maharshi en 1949
"Mais si le corps était là gisant
sous les couvertures, l'esprit, lui, était toujours à l'ashram de Sri
Ramana. C'étaient les chants des Vedas tels que je les avais entendus
là-bas qui résonnaient sans cesse à mes oreilles. C'était ce vieillard
allongé sur son divan, c'était cette foule qui se pressait religieusement
autour de lui, dont l'image constamment dansait devant mes yeux. Dans mes
rêves de fiévreux, ni vraiment éveillé, ni vraiment endormi, c'était le
Maharishi qui, désespérément, me revenait, le Maharishi avec tous les
sages et tous les gurus avec l'Inde qui déborde tout temps, et dont
il était pour moi le symbole vivant et fascinant. C'était aussi dans les
rêves des tentatives sans cesse frustrées de faire pénétrer sans rien
briser de mes constructions mentales antérieures ces impressions si
fortes, qui avaient jailli en moi au contact du Maharishi, toutes
nouvelles sans doute, mais déjà trop fixées en moi pour pouvoir jamais se
laisser rejeter au-dehors.
Quand je me réveillais de ces jours
de fièvre, je compris jusqu'à quelle profondeur en moi avait percé cette
première rencontre avec Sri Ramana et le mystère d'Arunâchala"
Henri Le Saux, Souvenirs
d'Arunâchala |