Jacob
Boehme naquit, l'an de Jésus-Christ 1575, dans une petite ville de la
Haute-Lusace, nommée le vieux Seidenburg, éloignée d'une lieue
et demie de Görlitz, de parents de bonne souche allemande, son père
Jacob et sa mère Ursula étant de pauvres et humbles paysans.
Ses parents, découvrant en lui des
dispositions particulières, l'envoyèrent à l'école, où il apprit à
lire et à écrire, ensuite ils lui firent apprendre le métier de cordonnier.
Son apprentissage fini, il voyagea, se maria à Görlitz, et eut de ce
mariage quatre garçons, à l'un desquels il enseigna le métier de cordonnier.
Après
avoir gagné sa vie à la sueur de son front, comme un ouvrier laborieux
doit le faire, il fut de nouveau saisi [voir l'épisode de l'Étranger], au commencement du 17ème siècle, c'est-à-dire en 1600, à l'âge
de 25 ans, de la lumière divine, avec son esprit astral animique,
par l'aspect subit d'un vase d'étain, dans le fond le plus
profond, ou dans le centre de la nature secrète. Voulant bannir, dans
le doute où il était, cette idée de son cœur, il passa le pont de Görlitz,
qui était près de sa maison, pour se dissiper dans les champs couverts
de verdure, et néanmoins il ressentit de plus en plus l'aspect qui
venait de se présenter à lui, en sorte que par le moyen de ses
empreintes ou figures naturelles, des ligaments et des couleurs, il
avait pu, pour ainsi dire, pénétrer dans le cœur et dans la nature la
plus secrète de toutes les créatures.
Mais
il est appelé une troisième fois, selon la volonté et le conseil
secret de Dieu; il est inspiré de l'Esprit Saint, doué et fortifié
par une lumière nouvelle et par un don nouveau. Pour ne point oublier
une si grande grâce qu'il venait d'obtenir, et pour ne point désobéir
à un maître si saint et si consolateur, il se mit à composer en 1612
(cependant uniquement pour lui-même).
Son premier livre, intitulé L'Aurore naissante
(...) ne devait jamais voir le jour, et encore moins être imprimé.
Mais (...) le bruit s'en répandit dans le public, et parvint jusqu'aux
oreilles du premier pasteur de Görlitz, appelé Grégoire Richter,
qui, sans l'avoir vu ni examiné, le condamna du haut de la chaire.
(...) L'homme saint et patient a donc, par soumission à ses supérieurs,
observé un sabbat parfait pendant sept ans, sans mettre la plume à la
main. Mais ayant été fortifié et réveillé par une quatrième impulsion de
son fonds intérieur, et ayant été excité par des gens craignant Dieu et
versés dans les sciences naturelles, à ne pas cacher la lumière sous le
boisseau, mais à la répandre de plus en plus, il se décida à reprendre
la plume. Après
avoir fait une profession de foi évangélique et avoir usé du gage de
la grâce, il est mort le dimanche 17 novembre (1624). Ayant fait
appeler et demandé à son fils aîné : s'il entendait aussi la belle
musique? Sur sa réponse négative, le moribond ordonna d'ouvrir la
chambre afin qu'on entendit mieux le chant mélodieux.
Abraham de
Frankenberg, De Vita et Scriptis Jacobi Boehmii |