Aimer toutes les mains est un ouvrage rare de
Marie-Madeleine Davy, publié en 1947 dans la collection
"Miroir", Au Masque d'Or, Angers-Paris, et publié à
seulement 600 exemplaires. La collection "Miroir" tire
son nom d'une citation de Jesaias Romplex von Löwenhalt
: "Si tu veux être un pareil miroir, le vrai soleil avec
tout son éclat viendra se refléter en toi, où qu'on te
tourne."
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A propos d'un titre
"Ces pages, je les dédie à un mort et à un
vivant.
Le titre de cette nouvelle ne me satisfait point.
J'avais pensé l'appeler : L'homme inversé. Mais cette formule prêtait à
confusion. Ou encore K. Cette lettre étant d'une grande signifiance. Les anciens
Romains le savaient : ils la traçaient au fer rouge sur le front des calomniateurs.
Semblable titre eut été une erreur. Car ce n'est pas sur le calomniateur que doit porter
l'attention, mais sur la calomnie qui peut devenir une arme meurtrière.
De cela j'ai été le témoin.
Il n'est pas point de vengeance. La vengeance durcit
les liens, fait des nuds si étroitement enlacés, qu'il devient impossible de
disjoindre ce qui se double et s'enserre.
Seul l'amour libère totalement.
L'amour jette dans le cur du calomniateur une
lumière si vive qu'il lui devient possible de lire avec les paupières closes des
caractères de feu.
Et celui qui présent au scandale le portait, telle une
flèche enfoncée dans sa chair, cicatrise sa blessure. Il n'en souffre plus. Le scandale
livre seulement sa leçon d'expérience. L'homme peut devenir un être nouveau. Un être
qui naît.
Située désormais au delà de la crainte, sa
connaissance devient plus lucide. Il saisit dans une lumière plus denses que le degré de
responsabilité des hommes est souvent indiscernable et mouvant le terrain des
culpabilités.
Celui qui recourt à la force brutale ignore simplement
une force plus puissante : celle de l'amour. Dénué de sensibilité morale, amputé du
sens de la liberté pour lui et pour autrui, il n'est peut-être rien d'autre qu'un homme
qui n'a pas été assez aimé. Un homme privé de la chaleur et de la fécondité d'une
terre pour s'épanouir.
C'est pourquoi j'ai appelé cette étude : Aimer
toutes les mains.
Les mains qui jettent les semailles dans les sillons,
dispensent la lumière et la chaleur.
Et aussi les mains qui ignorantes des semences de vie
font pousser la détresse et la mort.
Il est des mains qui blanchissent les sépulcres avec
de longs pinceaux sur de basses échelles.
Alors ceux qui n'ont pas encore des mains créatrices
mais qui les mendient, s'éloignent des cimetières et recherchent le soleil.
Ils le quêtent avec des mains ouvertes et la joie
tombe sur eux comme une rosée de printemps."
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