MARIANNE VON WILLEMER

SOMMAIRE

Goethe à Weimar et Eisenach

Final du second Faust

A propos de Raphaël

"Il s'occupe très souvent de Raphaël pour se tenir constamment en contact avec avec ce qu'il y a de meilleur, et s'exercer à repenser en lui-même les pensées d'un grand homme"

Goethe ou l'éternellement féminin

Galerie romantique

  

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Marianne von Willemer

Marianne Jung est née en 1784, à Linz. Fille adoptive depuis 1800 du banquier, ami de Goethe, Jean-Jacob de Willemer, elle devint sa femme en 1814. Elle sera la Souleika du Divan Occidental - Oriental de Goethe, ce dernier prenant le nom de Hatem. Deux poésies au moins du Divan sont de la main de Marianne von Willemer.

 

 

A propos de Marianne Von Willemer

         "Ce qui frappe, ce n'est pas seulement le mimétisme, cette union de deux voix qui se confondent en un dialogue passionné, comme les corps dans l'amour ou les sentiments et les valeurs dans une vie partagée. Certes, on peut y voir aussi un exemple de prévarication masculine, un cas typique et presque limite d'appropriation, de la part de l'homme, de l'oeuvre de la femme; le travail qui porte le nom d'un homme est souvent aussi, comme c'est le cas pour le livre de Goethe, une aliénation du travail féminin. Il y a cependant quelque chose d'autre. Marianne a écrit, dans le Divan, un très petit nombre de poèmes, qui sont à ranger parmi les chefs-d'oeuvre de la poésie mondiale, et puis elle n'a plus rien écrit, plus jamais. Quand on lit ses odes au vent d'Est et au vent d'Ouest, ce chant d'amour qui devient le souffle même de la vie, il semble impossible que Marianne n'ait rien écrit d'autre. Comme la petite fable sur la rose en train de mourir de la petite écolière du cours élémentaire, les poèmes de Marianne témoignent eux aussi du dépassement de la personnalité par la poésie, de la mystérieuse conjonction et coïncidence d'éléments qui la produisent, comme un certain degré de condensation de la vapeur d'eau, provoqué par une combinaison fortuite - ou en tout cas difficilement prévisible - de certains facteurs produit de la pluie, une augmentation de la vente des parapluies et, en ce qui concerne les taxis, une offre insuffisante par rapport à la demande.

          Même pour la création de ses chefs-d'oeuvre, Marianne, née en Autriche, aurait pu répéter l'expression autrichienne chère à Musil, es ist passiert, c'est arrivé comme ça, un contact soudain parfait entre l'âme et le monde, une main qui écrit des mots comme une autre dessine distraitement sur le sable ou sur du papier, sans vouloir faire breveter cette esquisse ou se garantir sa propriété exclusive. Marianne laissa Goethe donner son nom à ces écrits; dans l'offrande qu'elle faisait d'elle-même, elle savait combien il est vain de distinguer le tien du mien au sein de l'union amoureuse. Mais ses poèmes parus sous le nom d'un autre disent aussi la vanité de toute signature mise au bas d'une page ou sur la couverture d'un livre de poésie, parce que cette dernière, comme l'air et les saisons, n'appartient à personne, pas même à qui l'écrit.

            Peut-être Marianne Willemer a-t-elle senti que la poésie n'a de signification que si elle prend sa source dans une expérience totale comme celle qu'elle avait vécue, et que cet état de grâce prenant fin, c'en était fini aussi de la poésie. « Une seule fois dans ma vie, devait-elle dire bien des années plus tard, je me suis aperçue que je ressentais quelque chose de noble, que j'étais capable de dire des choses douces et venant du coeur, mais le temps les a effacées plus que détruites. »

           Claudio Magris, Danube, 1986

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Pourquoi cette agitation, vent d'Est ?

M'apportes-tu quelque joyeuse nouvelle ?

Le frais battement de tes ailes

Calme mon coeur profondément blessé.

 

Caressant, il joue avec la poussière,

La soulève en légers nuages,

Pousse vers la tonnelle de pampres

L'allègre essaim des insectes.

 

Il adoucit l'ardent soleil,

Rafraîchit mes joues brûlantes,

Berce les vignes en fuyant

A travers champs et collines.

 

Son léger murmure m'apporte

Mille saluts de mon ami;

Avant que les coteaux ne soient obscurs,

J'aurai cueilli sans doute mille baisers.

 

Poursuis donc ta course, vent !

Porte assistance aux amis, aux affligés.

Là-bas où de hauts murs s'embrasent

Je retrouverai bientôt le bien-aimé.

 

Ah ! Le vrai message du coeur,

Le souffle d'amour, la vie ranimée

Me parviendront de sa bouche seule,

Me seront donnés par sa seule haleine.

 

SOULEIKA

 

Ah l pour les ailes humides,

Vent d'Ouest, comme je t'envie,

Toi qui peux lui annoncer

Combien je souffre d'absence !

 

Le battement de tes ailes

Éveille en mon sein une secrète langueur;

Fleurs, regards, bois et collines

Sont en larmes sous ton haleine.

 

Mais ton souffle clément et tiède

Se pose sur mes paupières meurtries;

Ah! je périrais de douleur

Si je n'espérais le revoir.

 

Vole donc vers mon bien-aimé,

Parle doucement à son coeur,

Mais surtout ne l'afflige pas

Et cache-lui combien j'ai mal.

 

Dis-lui, mais surtout sois discret,

Que son amour est toute ma vie

Et que, par la joie de sa présence,

L'un et l'autre me seront rendus.