LA VOIE CRUELLE

Deux femmes, une Ford vers l'Afghanistan 

SOMMAIRE

La mort en Perse

Bibliographie

Biographie

Documents biographiques

Iconographie

A propos de Klaus Mann

 

*

Retour à Annemarie Schwarzenbach - Ella Maillart - Trois femmes

 

Pour une iconographie du voyage de la Voie cruelle, voir http://www.ellamaillart.ch

"Involontairement, et sans le savoir, les gens essaient de monter deux chevaux également fiers : l'étalon Nature et l'hermaphrodite Mental. Et ils souffrent d'être écartelés. C'est peut-être cela ce qui arrivait à Christina."

*

Ella Maillart et Annemarie

Voir aussi Ella Maillart et l'Afghanistan 

 

Si la douleur l'avait conduite jusqu'au seuil d'un monde supérieur et inconnu de moi, aurait-elle été si désespérée?

"Christina, je suis privée de la profondeur qui vivait dans votre regard, de votre universelle exigence, de votre inextinguible soif d'absolu.

Lorsque la nouvelle de votre mort m'a frappée comme une imposture, ma pensée a repris le chemin que nous parcourûmes ensemble. Et lentement, avec peine, le nombre des pages a grandi. Même si votre évocation n'y est pas apparente, vous êtes présente dans chacune d'elles; chacune est un reflet du tourment et du remords qui m'attachèrent à vos pas. Pourrez-vous pardonner mes lourdeurs et mes méprises dans le rappel de vos gestes?..." (1945 & 1948)

"La première fois que la vis - je me rappelle bien l'impression qu'elle me fît - elle avait gravi les marches usées du Schwarzen Baer à Zurich, auberge vieux jeu et silencieuse où mon oncle l'ingénier avait un pied-à-terre. C'était une claire journée d 'été. Sans chapeau, chic dans un tailleur gris, si mince qu'elle en était presque éthérée, assise, elle demeurait silencieuse et penchée. Et soudain un sourire confiant s'esquissait. D'abord il sembla qu'elle écoutait une musique intérieure. Ensuite je sentis qu'elle cherchait. Elle écoutait au-delà des mots prononcés, dans l'espoir d'y saisir comme une résonance d'un monde doté de plus de sens que le nôtre : elle attendait la note fondamentale. Ou bien, pour utiliser une autre métaphore, elle regardait au-delà de nous, qui ne sommes que des prismes, afin de capter un rayon de lumière originelle non différencié."

"Kini [le surnom d'Ella Maillart], depuis quelque temps je voulais vous demander : pourquoi vous faites-vous tant de souci à mon sujet? Pourquoi m'avoir emmenée avec vous?

Pourquoi je me fais du souci à votre sujet?... Je ne sais pas. Impossible de dire si c'est parce que je vous aime ou parce que je vous déteste, lorsque je vois des dons comme les vôtres pareillement gaspillés. Je parle des dons: vous n'en êtes pas l'auteur; ils affirment une intelligence plus magnifique que votre actuelle folie. Ne comprenez-vous pas que vous les avez reçus à seule fin de les faire fructifier? Quant à répondre à votre seconde question, à vrai dire je voyage avec vous... parce que je voyage avec vous! Ce n'est qu'après coup que l'on arrange des explications."

"Cet être doué de qualités rares, qui charmait tous ceux qui l'approchaient, eut une vie tragique. Bien que dans ces dernières lettres elle m'eût dit qu'elle comprenait enfin mes explications de deux ans auparavant, il est clair que ne pas parvenir à la sauver d'elle-même avait été un échec. Et je commençais à voir que tout au contraire c'était elle qui m'avait aidée dans une évolution qui devait me permettre d'assimiler l'enseignement de l'Inde" (1950)