"En Sibérie, dès la première neige, la vie
s'éveille. Ayant travaillé tout l'été dans les champs, les paysans mettent l'hiver à
profit pour renouveler leurs achats et terminer tout ce qu'ils n'ont pas eu le temps de
faire les mois précédents. A ce moment, sur les chemins, où la première couche de
neige n'est pas très haute, le froid reste supportable. Les gens viennent de toute part,
achètent, vendent, troquent leurs marchandises. Il ne résulte un mouvement et des
échanges très actifs.
J'achetai à bas prix un très grand
traîneau mesurant environ deux mètres de large et trois mètres de long, et l'adaptai
spécialement pour les longues traversées.
A la plage du siège, j'installai un matelas d'un mètre sur deux,
précaution très importante pour nous permettre, sur les grandes routes, de dormir dans
notre véhicule, car on ne pouvait guère espérer trouver des auberges. Aux glissières
habituelles des traîneaux, spécialement larges chez le mien, j'ajoutai, sur une hauteur
d'à peu près un demi-mètre, une paire de flasques à bascule en vue d'empêcher le
renversement en terrain trop raboteux. Un vaste toit mettait les voyageurs à l'abri du
vent et des tourbillons de neige, tandis qu'un rideau suspendu remplissait le même rôle
vis-à-vis du froid. Sur un large siège trônait l'iamtchik. L'attelage comprenait trois
petits chevaux sibériens infatigables quoique peu exigeants pour la nourriture."
L'équipement des voyageurs comportait beaucoup de détails.
par-dessus l'habillement normal, on portait une sorte de combinaison d'aviateur fourrée
et par-dessus encore, une pelisse très chaude garnie de fourrures ou même le manteau
habituel des paysans, fait de peaux de chiens. Dans les journées particulièrement
froides, on ajoutait une "bourka", pèlerine doublée de fourrure tombant
jusqu'aux genoux et munie d'un capuchon également fourré. Les pieds étaient protégés
par trois paires de chaussettes de laine, des chaussons et de grandes bottes montantes en
feutre épais. Malgré cet accoutrement, on gelait souvent après deux ou trois heures de
route ; seul l'alcool permettait de tenir..." |