A PROPOS DE MICHEL VIEUCHANGE

"Michel Vieuchange, en 1930, déguisé en femme, mort pour avoir voulu prendre une photo des murailles ruinées de Smara." J.M.G. Le Clézio

 

 

 

"Dans la pensée de Michel Vieuchange, Smara fut bien plus qu'une ville : ce fut le grand effort qui consacre la libération de l'âme ; le danger où se désaltère l'ardente soif d'agir ; "le chant à la réalité en face des vaines imaginations qui nous tracassent et des contradictions qui nous embrouillent" ; le lieu qui donne aux pas dont il est foulé "une durable valeur" ; l'épreuve d'où l'on s'élance vers une vie nouvelle, armé pour l'accomplissement de sa tâche. Smara ville de nos illusions... Nous marchons vers toi comme des ravisseurs... Nous marchons vers toi comme des pénitents... Et il écrira dans ses Carnets de route : "Smara fini, je le sens, nos jeunesses seront accomplies, nous entrerons dans un autre âge"

André Bellesort

 

smarahome.jpg (1829 octets)

Michel Vieuchange avant son départ

vieuchange8.jpg (9807 octets)

Michel Vieuchange à Tigilit

Ce qu'en dit Paul Claudel dans sa préface aux Carnets de route

"Mais jamais amant n'a couru au rendez-vous accordé par sa maîtresse d'un cœur plus impétueux et plus abandonné que ce jeune homme, dont j'ai reçu mission de présenter au public le journal de découverte et d'agonie, n'a désiré cet endroit sur la carte au milieu de solitudes inhumaines où d'imperceptibles italiques forment les deux syllabes : Smara. Rien ne lui coûte, la fatigue, le danger, la faim, la soif, la nourriture grossière, l'eau pourrie, la vermine, les sables et les feux de l'Enfer. Il donne tout son argent, il se confie tout seul à quelques brigands dont la langue même lui est inconnue. Il passe des heures roulé dans un ballot, lié par les quatre membres comme une bête qu'on sacrifie. Une première tentative échoue ; il recommence et réussit. Ce n'était pas payer trop cher le droit d'errer pendant deux heures dans ce village fait de quelques tas de pierres amassées par les nomades et déjà évacué par eux. Ce n'était pas trop cher, car celle-là qu'il désirait a été fidèle au rendez-vous. Il n'a pas plus tôt gravi la selle de son chameau comme un trône de torture, il n'a pas plus tôt dirigé vers le Nord les naseaux de cet animal douloureux, qu'il a reconnu sur sa bouche ce baiser glacé et au fond de ses entrailles ce frisson dévastateur. La route qu'il a faite dans la contraction de l'espérance, il la refait dans celle de l'agonie. Mais l'intelligence et l'attention restent éveillées dans ce corps indomptable, vidé par la dysenterie et secoué par l'affreux galop d'une bête elle-même à moitié morte : jusqu'au dernier moment la boussole, la montre, le crayon relèvent tous les détails et tous les fléchissements à travers le vide de l'inestimable itinéraire ; le regard pur et acéré perce, domine les êtres obscurs qui l'entourent. Il arrive enfin, il tombe expirant entre les bras de son frère, un avion emporte jusqu'à la couche suprême ce triomphateur épuisé. Lui seul comprend ce qu'il a fait, il a rempli sa destinée, il a fourni d'un seul coup ce qu'on attendait de lui, le plus pur de son sang, la moelle de son intelligence et de sa volonté. Il ne pouvait pas faire plus."

 

Retour à Michel Vieuchange