Georges Tournoux

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Georges Tournoux, La langue de Novalis dans Henri d'Ofterdingen, les Disciples à Saïs et l'Essai sur la Chrétienté, Lille-Paris, 1920

           « La langue de Novalis, apparemment si transparente d’expression, à la syntaxe élémentaire, mais d’une puissance évocatrice irrésistible, cette langue à la fois d’une simplicité d’allure frappante et d’une inépuisable richesse d’aspects, dont nous nous sommes efforcé dans cet ouvrage d’étudier la structure, d’analyser les éléments, les « tote, zuckende Reste », comme il est dit dans les Disciples à Saïs, ne dévoile pas aisément son mystère. Pour surprendre le secret de son charme innombrable, toujours fuyant, toujours vainqueur, il faut la pratiquer longuement, la fidèlement aimer ; elle ressemble à la parole de cet inconnu que Novalis évoque au chapitre IV de l’Ofterdingen, à laquelle on prête d’abord à peine attention, jusqu’à ce que, longtemps après son départ, épanouissant peu à peu son modeste bouton, elle révèle enfin une fleur magnifique, aux couleurs brillantes, à la corolle merveilleuse, que plus jamais on n’oublie, qu’on ne se lasse pas de contempler, et en qui on a une source intarissable de joies, un trésor toujours présent, toujours vivant.

 

            Tout ce qu’il fit, il le fit avec amour, a écrit magnifiquement de Novalis son ami intime, Louis (sic) Tieck. Et de fait, à force d’amour, Novalis a vraiment vécu son rêve ; à force d’amour, il a réussi à l’immortaliser dans son œuvre. L’amour et la poésie furent les pôles inséparables de sa vie intérieure : Die Liebe ist das hôchste Reale – der Ungrund, écrit-il, empruntant à Boehme l’un de ses mots familiers ; et, d’autre part : Die Poesie ist das echt absolut Reelle. Das ist der Kern meiner Philosophie. Je poetischer, je wahrer. Sois aussi bon et poétique que possible, telle est la maxime qui, pour lui, renferme le commencement et la fin de toute sagesse. L’amour lui commandait la sincérité ; et, pour cette âme enfantine, confiante et radieuse, la sincérité n’allait point sans l’unité : il entreprit de réaliser cette unité jusque dans les moindres détails de sa vie morale et intellectuelle. Ne nous étonnons donc pas de la trouver dans son œuvre si harmonieusement établie entre l’expression et la pensée.

 

            De son cerveau de visionnaire génial et prédestiné était sorti l’un des systèmes les plus étrangement poétiques qu’on puisse rêver, fascinant jusqu’en ses puérilités mêmes. Cette philosophie, Novalis s’efforça courageusement de la pratiquer. Il la croyait féconde et bienfaisante. Et, pour y faire participer le monde, il créa un style incomparable, au charme exquis et subtil, à la musique troublante, et qui restera l’un des plus mystérieusement, des plus souverainement originaux de la littérature allemande. »