LUDWIG TIECK

 

[ Vie de Novalis | A propos de Novalis ]

*

Sur Novalis et Tieck voir Robert Minder

Sur C.D. Friedrich voir Documents

*

Retour à Novalis

 

Tieck

(1773-1853)

 

 

"Novalis était grand, élancé et de nobles proportions. Il portait des cheveux brun clair en boucles tombantes, ce qui à l'époque n'attirait pas autant l'attention que ce serait le cas maintenant ; ses yeux bruns étaient clairs et brillants, et le teint de son visage, en particulier de son front inspiré, presque diaphane. Il avait la main et le pied un peu trop grands et dépourvus de finesse dans l'expression. Sa physionomie était toujours gaie et bienveillante. Aux yeux de celui qui ne distingue les hommes qu'à la manière dont ils se mettent en avant, ou cherchent à en imposer ou à se faire remarquer par des convenances affectées, par ce que réclame la mode, Novalis se perdait dans la foule ; mais au regard plus exercé, il offrait la manifestation de la beauté. Le contour et l'expression de son visage étaient très proches de ceux de Jean l'Évangéliste, tel que nous le voyons sur le grand et splendide panneau d'Albrecht Dürer conservé à Nuremberg et à Munich.

    Sa conversation était animée et sonore, son geste grandiose, je ne l'ai jamais vu las ; nous avions beau poursuivre nos entretiens jusque tard dans la nuit, il ne s'interrompait que délibérément pour se reposer et non sans lire encore avant de s'endormir. Même dans des sociétés pesantes pleines d'esprits médiocres, il ne connaissait jamais l'ennui, car il découvrait à coup sûr une personne qui lui communiquait quelque connaissance encore inconnue de lui, et dont il pouvait avoir l'usage, aussi minime fût-elle. Son amabilité, sa conversation empreinte de franchise faisaient qu'il était aimé en tous lieux, sa virtuosité dans l'art des relations que les petits esprits n'ont jamais perçu à quel point il les dominait. Autant il se plaisait surtout à dévoiler dans la conversation les profondeurs du cœur, parlant avec enthousiasme des régions de mondes invisibles, autant il était cependant joyeux comme un enfant, plaisantant avec une gaieté sans prévention et s'abandonnant lui-même aux badinages de la compagnie. Exempt de vanité, de prétention savante, étranger à toute affection et dissimulation, c'était un être humain véritable, authentique, l'incarnation la plus pure et la plus aimable d'un grand esprit immortel."

in Novalis vu par ses contemporains, Éditions Novalis, 1994, p.34-35