SOMMAIRE

Le Verdoyant

Salah Stétié : Une bibliographie

 

*

Voir aussi Les éditions Fata Morgana

*

Retour à Hommage à Salah Stétié

"J'avais voulu intituler cet essai : "Rimbaud, peut-être...". "Le Huitième Dormant", par référence aux Sept Dormants d'Éphèse, très jeunes gens têtus guidés par l'étoile christique d'Orient, ensuite puissants dormeurs métaphysiques et, aussi bien, gens de la grotte coranique qui n'habitèrent l'envers nocturne du monde que pour mieux habiter, le jour venu, l'éternel pays de l'air - ce titre s'est mystérieusement imposé à moi. L'illumination des rêveurs vient des morts; celle des veilleurs, du rêve", dit Yeats.
"Se rappellera-t-on le sommeil continu des Mahométans légendaires?

Rimbaud

        "Au niveau métapsychique, on peut sans doute formuler que les rêves des Sept Dormants, - comme ceux de l'ensemble des créateurs -, rêves endormis ou rêves éveillés, sont de nature initiatique, comme l'exprime, dans un tout autre contexte, le Bardo-Todol: ce sont rêves chargés d'efficacité magique, ceux du chaman ou du bouddhiste tibétain, et destinés à introduire dans un autre monde, soit par une intuition advenue dans le sommeil, pressentiment ou prémonition, soit par le déroulement d'un voyage imaginaire. Rêve visionnaire, en quelque sorte, qui transporte dans le monde imaginal défini par Henry Corbin et qui met en jeu des puissances que la civilisation occidentale a peut-être atrophiées ou paralysées.  Mais, dans le cas d'espèce, ce n'est pas de pressentiment qu'il s'agit : le rêve devient véritablement, chez tel mystique ismaélien aimé de Corbin, comme plus tard chez Novalis ou Rimbaud ou, pour citer des peintres, comme chez Jérôme Bosch et Max Ernst, une vision. « Le monde devient rêve, le rêve devient monde », affirme Novalis, donnant l'équation qui régit le sommeil habité/habitable de ceux qui sont les gardiens du passage. Et l'on sait à quel point pour Rimbaud, le rêve, loin d'être un retrait de la vie, est le provocateur d'une dynamique destinée en fin de compte à changer la vie."

         L'ouvraison, José Corti, 1995

      "Fascination et refus chez Massignon comme chez Rimbaud, leur position initiale vis-à-vis de l'aporie que constitue la beauté paraissant être là même. Ce n'est pourtant pas "l'extase matérielle" rimbaldienne l'issue acceptable pour Massignon; bien au contraire. La matière, quelle qu'elle soit, est périssable et ne mérite que d'être pleurée, fût-elle splendeur -, à moins, bien sûr, qu'à son tour elle ne témoigne en faveur de Dieu, à moins qu'elle ne soit l'un des supports de la réfraction de la Divinité en ce monde, une âya pour tout dire, preuve indirecte, monstrative plutôt que démonstrative, de la gloire de cette Divinité. Massignon termine l'un de ses essais, qu'on va lire, sur "Les méthodes de réalisation artistique des peuples de l'Islam", par le rappel de l'anecdote suivante : Hallâj passe avec ses disciples dans une rue de Bagdad où soudain monte le son du nây, flûte exquise : "Qu'est-ce que c'est ?", interroge l'un des élèves. Et Hallâj : "C'est la voix de Satan qui pleure sur le monde".  Donc, que soit condamnée la beauté si, comme le dira plus tard Yves Bonnefoy, elle ne doit être que "le leurre du seuil". J'ai moi-même consacré à cette question de l'ambiguïté de l'ineffable, partagé entre ce qu'il est et ce qu'il ne peut être, l'un de mes écrits : L'Interdit.  Si condamnable est la beauté, comment pourrait-il y avoir une esthétique ? Y en aurait-il une, malgré tout, elle doit nécessairement s'ouvrir à ce qui la dépasse et qui, la débordant de partout, l'élimine. Parlant de la formulation chez les mystiques et des locutions théopathiques qui sont les leurs, Massignon écrit : "Ce sont des espèces d’explosions anagogiques qui renseignent avant tout sur la mort intérieure du sujet. Elles l’enlèvent jusqu’à Dieu, mais dans nuit noire, ce qui choque infiniment les esthéticiens ; tant pis pour eux."

      "Les pièges de l'ineffable", Préface à Louis Massignon, Les allusions instigatrices, Fata Morgana, 2000