L’Orient est représenté dans l’œuvre de Novalis,
dans
Henri d’Ofterdingen, plus exactement, par une jeune Arabe, ravie à sa
famille pendant une expédition de chevaliers
croisés, et désormais prisonnière, exilée en
Allemagne : Soulima. Elle
symbolise la rencontre de
l’Orient et de l’Occident comme en témoigne le long
entretien qu’elle a avec Henri et qui annonce le
périple de celui-ci en Arabie – où selon les notes
de Novalis pour sa seconde partie, il devait
retrouver la famille de Soulima. Elle est, surtout,
le signe que l’appartenance à l’organisation des fidèles d’amour est d’Orient comme d’Occident et que
son « secret » est qu’il se situe au terrain de contact
spirituel de l’Orient et de l’Occident. C’est en ce sens que Soulima
devait occuper une place centrale dans la seconde partie d’Henri
d’Ofterdingen, selon le mot de Novalis : « L’Orientale est également
la Poésie ».
*
Notice de Tieck
« Ayant appris à
connaître les temps héroïques et l’antiquité, Henri gagne alors l’Orient,
dont il avait rêvé depuis son enfance. Il visite Jérusalem, prend
connaissance de poésies orientales. D’étranges aventures avec les
Infidèles le retiennent dans des parties isolées du pays, où il retrouve
la famille de le jeune Orientale ; façon de vivre de certaines tribus
nomades de là-bas. Contes légendaires persans. Souvenances des temps les
plus anciens du monde »
*
Henri d'Ofterdingen
« L’existence prend un attrait tout particulier
quand elle se passe sur un sol depuis longtemps
habité, et qui fut enrichi d’âge en âge par
l’ouvrage et les soins diligents, patients et hardis
de jadis. La nature y paraît plus humaine et devenue
plus intelligible ; à travers le présent on sent que
transparaît un obscur souvenir du passé, et les
images du monde se trouvent reflétées avec un tel
relief et des contours si nets qu’on y jouit d’un
univers double, en quelque sorte, et que le monde y
perd ce qu’il a d’écrasant, de tyrannique pour
devenir un poème magique et une féerie de nos sens.
- Qui sait si ne joue pas aussi l'influence
incompréhensible de ceux, maintenant invisibles, qui
en furent les habitants autrefois, - et si ce n'est
pas cet obscur appel, entendu par les hommes
peut-être dès qu'ils arrivent à un certain moment de
leur réveil, qui les pousse hors de leurs
territoires nouveaux et les précipite avec une
impatience destructrice vers la patrie ancienne de
leur race, vers ces terres pour la possession
desquelles ils n'hésitent point à risquer jusqu'à
leur dernière goutte de sang?…
Elle se recueillit un moment, en silence, puis reprit :
N'allez surtout pas croire ce qu'on vous a raconté sur la férocité de mes
compatriotes. Nulle part on n'a traité les prisonniers plus généreusement
; et vos pèlerins de même, en chemin pour Jérusalem, étaient reçus avec
une hospitalité qu'ils ne méritaient guère que rarement. C'étaient des
vauriens, pour la plupart, de méchants hommes qui illustraient leur
pèlerinage de canailleries avec lesquelles, évidemment, ils s'exposaient
souvent à tomber sous des mains justement vengeresses. Comme il eût été
facile aux chrétiens de visiter le Saint-Sépulcre en toute quiétude, sans
avoir besoin de déclencher cette guerre effroyable et inutile qui a tout
empiré, propageant le désastre et répandant la désolation infinie, coupant
à jamais l'Orient de l'Europe! Le nom du propriétaire, quel importance
avait-il? Nos princes vénéraient pieusement le tombeau de votre Saint
Sauveur qui est, comme il eût bellement pu devenir le berceau d'une
entente heureuse, en bonne intelligence, le prétexte excellent d'alliances
éternellement bienfaisantes! » |