PHILIPP OTTO RUNGE ET NOVALIS

« Peintre poète moderne, un Novalis »

Justinus Kerner

 

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Retour à Novalis - Philipp Otto Runge

Novalis

« Si différentes qu’aient été, chez Runge et chez Novalis, leurs conceptions de la vie, je ne puis m’empêcher de songer à celui-ci. Novalis a vécu dans un monde mythique fécond, revêtu d’une forme historique. Il a passé sa vie à explorer ce monde, à le creuser, à lui donner forme, et c’est à partir de là qu’il s’est exprimé. Chez Runge, en revanche, il me semble voir œuvrer sans détour, en ce temps de froide réflexion, l’organe créateur de mythe ».

Henrik Steffens

Philipp Otto Runge, autoportrait, 1802

 

 

« L’œuvre d’art parfaite, quoi qu’elle représente, est toujours l’image de l’espérance profonde en Dieu chez l’homme qui l’a produite. Une œuvre d’art accomplie nous fait, en d’autres termes, sentir absolument notre cohésion la plus intime avec l’univers » (7 avril 1802).

        Philipp Otto Runge est certainement le représentant le plus singulier de l’art romantique allemand, singulier en ce sens où Albert Béguin écrivait, dans L’âme romantique et le rêve que « rarement la peinture a été à ce point détournée de ses fins purement picturales, et rien n’est plus loin du naturel que les tableaux de Runge ». Mais c’est ce qui justement en constitue tout l’intérêt, d’un point de vue ésotérique, et non seulement l’influence indéniable de l’œuvre de Novalis et de celle du « théosophe de Görlitz » sur sa peinture, dont on a parlé comme d’un « hiéroglyphe de l’art » (Josef Görres)

 Avec Runge, en effet, il ne s’agit pas d’une peinture visionnaire, comme celle de Caspar David Friedrich, mais de la tentative de représenter quelque chose du grand Mystère, au sens de Jacob Boehme, autrement que par des symboles traditionnels : par une symbolique intérieure, élaborée par lui-même, tout au long d’un cheminement initiatique vers l’intérieur, comparable à celui de Novalis.

On aura compris que cette symbolique rend son œuvre picturale et  littéraire, énigmatique, mais énigmatique, parce qu’elle fait référence à des connaissances ésotériques qui sont celles de la voie initiatique chrétienne que l’on désigne sous le nom de voie théosophique, dont le maître est Jacob Boehme.

Runge a donc inventé son propre symbolisme, à partir de l’œuvre de Jacob Boehme, et si sa peinture n’est ni visionnaire, ni symbolique, au sens des symboles de la Science sacrée, elle n’en manifeste pas moins d’une manière étonnante le Mysterium Magnum selon Jacob Boehme. Sous cet aspect, Les Heures du Jour, auxquelles il a travaillé de 1803 à sa mort (elles furent réalisées en 1805, et Runge n’a pas achevé la seule version mise en couleur qu’il avait commencée : Le Matin), sont une œuvre unique dans l’histoire de la peinture. Mais s’agit-il encore d’une œuvre picturale ?

Comme le poète romantique allemand Novalis, Runge laisse une œuvre inachevée, dont il faut reconnaître qu’elle représente beaucoup plus qu’un moment de l’histoire de la peinture du 19ème siècle, de cette peinture que l’on dit romantique, mais qui s’inscrit dans une histoire, comme l’œuvre de Novalis, qui est celle de l’ésotérisme occidental. Ce n’est pas sans raison que nous y reconnaissons l’influence de Novalis et surtout celle de Jacob Boehme. Elle s’offre de la sorte à notre méditation intérieure, en nous introduisant au grand Mystère, à la Naissance de Dieu, elle nous initie en quelque sorte à lui, car, finalement, l’œuvre picturale de Runge n’est pas autre chose qu’une œuvre initiatique.

           C'est pourquoi elle ne peut s’interpréter, de même que son oeuvre littéraire, qu’en rapport à cette « plongée en soi », dont il convient de chercher la définition chez Novalis : « Pour nous, rentrer en soi signifie faire abstraction du monde extérieur. Pour les esprits, analogiquement, la vie terrestre signifie contemplation intérieure, plongée en soi, acte intérieur. La vie terrestre prend donc naissance d’une réflexion initiale, d’une plongée en soi originelle, d’une intériorisation primitive et d’un recueillement en soi, qui sont aussi libres que l’est notre réflexion. Inversement la vie spirituelle prend naissance en ce monde d’un surgissement hors de la dite réflexion initiale. L’esprit se déploie à nouveau, sort de nouveau hors de soi-même, recoupe en partie la réflexion susdite et prononce à cet instant pour la première fois : Moi. Combien s’intérioriser ou s’extérioriser sont relatifs, on le voit bien ici. Ce que nous appelons plongée en soi est proprement sortir, retrouver et reprendre la forme initiale », Pollens, 45