FINALEMENT UN CAMION CHILIEN...
"Marché toute la journée et le jour suivant.
Route droite, grise, poussiéreuse et sans circulation. Vent implacable s'opposant à la
progression. Parfois vous entendiez un camion, vous étiez sûr que c'était un camion,
mais ce n'était que le vent. Ou un craquement de boîte de vitesses mais ce n'était
également que le vent. Parfois le vent faisait un bruit de camion vide franchissant un
pont en cahotant. Même si un camion était arrivé par derrière, vous ne l'auriez pas
entendu. Et même si vous aviez été face au vent, le vent aurait noyé le son du moteur.
Le seul bruit que vous entendiez était le cri du guanaco. (...)
Le jour suivant chaleur plus forte et vent plus violent que jamais.
Les rafales torrides vous rejetaient en arrière, vous aspiraient les jambes, vous
comprimaient les épaules. La route qui commençait et finissait dans un mirage gris. Vous
croyiez voir un fantôme de poussière derrière vous et, bien que vous sachiez qu'il ne
fallait plus compter sur l'arrivée d'un camion, vous pensiez que c'était un camion. Ou
bien apparaissaient de petites taches noires qui se rapprochaient. Vous vous arrêtiez,
vous vous asseyiez et vous attendiez, mais les petites taches s'éloignaient de part et
d'autre de la route et vous vous rendiez compte alors que c'étaient des moutons.
Finalement un camion chilien passa dans l'après-midi du second
jour."
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