HENRY DE MONFREID

Abd el Haï, l'esclave du Vivant

"Mais, qu'est-ce que l'Aventure? Un accident que j'ai toujours cherché à éviter" 

 

 

 

 

 

[Ce que dit de lui Wilfred Thesiger - Aventuriers et Nomades]

 

 

 

 

 

"Gisèle est heureuse d'être ici [Suez]; la corde a cinglé une fois, mais depuis elle est suspendue à son clou et inspire le génie de l'écriture à mon élève. En somme, je suis étonné de la volonté de cette enfant qui arrive à copier une page entière, peut-être sans rien y comprendre, mais sans faire de faute..." Henry de Monfreid

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Henry de Monfreid, né en 1879, à la Franqui, est mort en 1974. Si sa légende d'aventurier n'a pas survécu dans les pays où il s'est illustré depuis 1911 - du moins là où j'ai pu le vérifier, à savoir à Djibouti et au Yémen, - demeure pour les lecteurs occidentaux un destin d'"aventurier-écrivain" que fait revivre une oeuvre abondante : "Ce qu'on pourrait appeler mon oeuvre littéraire n'est autre que le récit de ma vie, écrit au jour le jour dans un présent absolu où les phases de mon existence se succèdent dans une apparente indépendance, comme autour d'un centre instantané de rotation" (Le feu de saint-Elme).

Voir le site officiel : http://www.henrydemonfreid.com

 

 

 

 

 

 

 

GISÈLE DE MONFREID

Née le 11 avril 1914, Gisèle de Monfreid est la fille aînée de Henry de Monfreid et de Armgart. Elle a évoqué ses années d'enfance à Obock dans Mes Secrets de la Mer Rouge (1981)

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Son témoignage

 "Mon père parla peu de ses escales de repos au milieu des siens, aux confins de la mer Rouge, dans le petit port d'Obock : haltes de moindre intérêt pour lui que ses propres voyages.

Il ne mentionna pas non plus l'influence pourtant primordiale qu'eut ma mère sur l'orientation de sa vie : à force de patience et d'obstination, elle parvint à faire de ce contestataire avant l'heure, de cet aventurier qui aurait pu mal tourner, un homme de qualité supérieure.

Elle recopia toutes ses lettres dans un modeste cahier d'écolier, amorçant ainsi le récit des "Secrets de la mer Rouge", elle l'initia au piano et à la peinture et, bien qu'étrangère, le soutint plus tard dans ses premiers pas littéraires. Elle sut en outre, jusqu'à sa mort prématurée en 1938, l'entourer d'amis de qualité."

 

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ABDI

"Abdi était de la caste des Midganes, sorte d'intouchables auxquels sont dévolues, dans une tribu somalie, les fonctions de forgeron, de chasseur ou de boucher. Le guerrier, dont le "tomal" (forgeron) forge les armes, ou n'importe quel membre de la tribu, ne peut s'allier à un ou une midgane.

Abdi, âgé de quinze ou vingt ans, resta jusqu'à sa mort (en 1940), à mon service."

Henry de Monfreid, Le feu de Saint-Elme, 1973

MOKA

Voir aussi Moka

"On sent que cette grande ville n'était pas l'oeuvre de ces Arabes; c'est une autre civilisation qui l'a édifiée, aussi sont-ils indifférents au lamentable sort de ces palais écroulés.  Ils préfèrent leur hutte de nomades où le vent passe librement et anime l'ombre des heures chaudes de mille voix mystérieuses.

  Il faut avoir vu vivre dans l'éternel printemps de leurs montagnes ces hommes sans souci de l'heure, pour mesurer tous les ravages qu'une civilisation étrangère pourrait porter au bel équilibre de leur vie simple."

  "Moka est une ancienne place forte, jadis entourée de hautes murailles en briques, flanquées de nombreux bastions. Ce n'est aujourd'hui qu'un chaos de décombres, où quelques plates-formes subsistent encore, montrant par les brèches les vieux canons de fonte étendus au soleil, à même le sol comme de gros lézards.

  Aucune maison n'a été réparée; seule, la grande bâtisse où demeure l'Amer Abdul Galil et une autre occupée par un négociant italien sont intactes. Dans ce labyrinthe de murs écroulés, les soldats campent comme ils le font dans la brousse; quant aux habitants, ils occupent la partie de la ville opposée à la mer, en bordure de la palmeraie. Là ils ont créé un village tout à fait selon leur goût, avec des paillotes de branchages à toit de nattes et des baraques en caisses à pétrole tendues de toiles de sac."

 La palmeraie de dattiers s'étend vers la plaine torride où les buissons de Rak font une verdure tendre d'une illusoire fraîcheur.

  "Je vais m'asseoir dans une des mokaya du souk où les soldats désoeuvrés mettent une animation bruyante. Cependant, aucune grossièreté ni dans les propos ni dans l'attitude de tous ces hommes, qui sont restés ce qu'ils sont; le pittoresque de leurs moeurs antiques fait oublier tout ce qu'il peut y avoir de sauvage et de brutal dans leurs manières d'être.

 Je me suis vêtu un peu à la mode arabe, nu pieds, foutah autour des reins, et turban, mais sans en arriver au travesti. C'est là la difficulté; on doit rester ce que l'on est : un européen, tout en ne choquant pas par un accoutrement inconnu. Si l'on cherche à singer scrupuleusement l'indigène, on se rend fatalement ridicule; non pas que l'on puisse prêter à rire, car l'Arabe ignore cette forme plaisante du ridicule, mais on perd tout son prestige."

Extraits de Henry de Monfreid, Les derniers jours de l'Arabie heureuse, Gallimard, 1935

OBOCK

"Notre maison était composée d'un rez-de-chaussée formant une galerie qui soutenait un étage. Celui-ci était occupé par une vaste pièce qui servait de salle à manger et de salon. L'ensemble s'ouvrait sur une grande terrasse dominant la mer où nous prenions notre petit déjeuner et notre dîner ; ainsi nous avions le privilège d'assister au lever et au coucher du soleil. Au bout de l'étage, la chambre de mes parents était prolongée par un cabinet de toilette et par l'emplacement de mon lit. Mais le rôle principal, dans cette demeure, était tenu par l'escalier reliant les deux niveaux. Il commandait toute la vie de la maison et devait sa popularité aux craquements inévitables de ses marches : impossible de l'emprunter sans alerter tout le monde...

A peine installée, ma mère s'organisa. Elle savait décorer avec des riens et faire naître autour d'elle le bien-être familial. Elle tendit les murs d'étoffes indiennes et couvrit le plancher de tapis anciens rapportés par mon père des ports du Yémen. Des meubles, parmi lesquels des fauteuils en osier, furent commandés à Djibouti ; par miracle on trouva aussi un piano, chez un colon qui devait regagner la France."

Gisèle de Monfreid, Mes Secrets de la Mer Rouge, 1981