Le Maître intérieur « oriente » le
pèlerin de l’esprit vers l’Orient majeur.
Il se manifeste dans l’intime
du cœur, au « centre » du « château de l’âme », comme dit Sainte Thérèse
d’Avila, « où se passent les choses les plus secrètes en l’âme et Dieu ».
Tantôt il y demeure caché, car « la sagesse mystique a caché l’âme en
Elle », tantôt il se découvre dans une vision « théophanique » et parfois
même sous les apparences d’un être vivant, comme
Tabari le rapporte à
propos du prophète de l’Islam.
L’exemple le plus remarquable
d’une telle vision théophanique nous est fourni, en effet, par le prophète de l’Islam
lui-même, telle qu’elle est décrite dans ce qu’on appelle justement le
hadith de la vision : « J’ai vu mon Seigneur sous une forme de la plus
grande beauté, comme un Jouvenceau à l’abondante chevelure, siégeant sur
le Trône de la grâce ; il était revêtu d’une robe d’or ; sur sa chevelure,
une mitre en or ; à ses pieds, des sandales d’or ».
Ceci pour la vision.
Quant à la connaissance
de ce Maître intérieur, elle est réservée aux stades ultimes de la voie
ésotérique, car ce Maître est le Seigneur et Le connaître, c’est
connaître son Soi.
Le Maître intérieur, c’est Dieu lui-même
ou le Christ, ou l’Imam. Le Christ, ou plutôt son Cœur sacré, qui symbolise
les eaux divines, ces « sources éternelles de la sagesse », et l’Imâm en
tant que cette figure du Soi : « Celui qui connaît son Soi, connaît son
Seigneur » .
L’autobiographie spirituelle
d’un Rûzbehân Baqlî, le Dévoilement des secrets, rapporte de
nombreuses visions de ce Maître intérieur, en tant qu’il est Dieu. En voici
quelques unes :
« Ce dont je me souviens des
jours de mon adolescence c’est qu’une fois, alors que je me trouvais dans
les solitudes désertes du monde caché au-delà des sept cieux, un océan
immense se dévoila à moi, et je vis au centre de cet océan une île énorme.
Au centre de cette île, je vis un château immensément grand qui s’élevait
si haut que cela semblait sans fin. Du pied du château et aussi haut que
mon regard pouvait monter se trouvaient des meurtrières en nombre infini.
Alors Dieu le Très-Haut Se révéla à moi de toutes ces meurtrières à la
fois. Je demandai : « Mon Dieu ! Qu’est-ce donc que cet océan ? » Il
répondit : « L’océan de la sainteté. » Je demandai : « Qu’est-ce donc que
cette île ? » Il répondit : « L’île de la sainteté. » Je demandai :
« Qu’est-ce donc que ce château ? » Il répondit : « Le château de la
sainteté. » Et Dieu est au-delà de la causalité de l’espace. » (142)
« Je me vis du côté du
levant. Dieu – gloire à Lui – Se révéla à moi sous l’aspect de la beauté
de l’éternité sans commencement. Mon cœur fondit à cause de Son extrême
grâce et de Son extrême beauté. Puis, un moment après, je Le vis qui se
révéla encore à moi sous cette même forme. Il Se révéla sous la forme de
Turcs dont il n’existe pas de plus beaux »
« Je franchis l’orient de la
prééternité. Je vis dans un désert du monde caché Dieu qui S’élevait sous
l’apparence de la beauté, revêtu de la forme des Turcs. Dans sa main se
trouvait un luth si bien qu’il me sembla qu’il jouait de ce luth (…). Puis
je le vis dans l’univers de la prééternité qui s’éloignait vers l’univers
de l’éternité sans fin. Or il n’y a là ni lieu, ni côtés, ni lumière, ni
ombre, ni apparence, ni forme. Mais il fut éclairé par l’épiphanie de
Dieu, et Il me trouva là perdu. Il me fit approcher des lumières de Ses
formes et me fis plonger dans les océans des gloires de Soin essence. Puis
je Le vis. J’étais dans ma chambre comme s’Il se présentait soudain à moi.
Il était d’une grâce et d’une beauté telles que je ne pourrais le décrire.
Je pleurais sur Lui et je lui lançai des cris. Je dis : « Mon Dieu !
Laisse-moi Te regarder un moment, et fais partir de mon cœur tout ce qui
n’est pas Toi depuis le trône jusqu’à la terre, ô bien-aimé des cœurs des
gnostiques ! Ô prunelle des yeux de ceux qui sont frappés de stupeur !»
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