Ce dessin au crayon, intitulé
"Les poètes et les reines", date des derniers jours du poète. On y reconnaît
Charles d'Orléans et, parmi les reines, toutes prénommées Marie,
Marie-Louise, Marie de
Médicis et Marie-Antoinette.
Or, cette dernière disait : "Pour moi seule toutes les heures sonnent en retard,
les entreprises n'ont que la chance des revers, et l'étoile du malheur semble s'être
levée sur ceux qui m'entourent, pour mal guider ceux qui me servent." Pour
Nerval, également, "toutes les heures sonnent en retard" et l'étoile
du Yémen qui s'était levée pour le guider jusqu'au monde de l'Ange est devenue à son
tour "l'étoile du malheur".
Mais il y a plus que la parenté
exemplaire de deux destins tragiques. Les Reines incarnent, en effet,
cet "Eternellement-féminin" qui, selon le mot de Goethe, dans le second
Faust,
"nous attire vers En-Haut". Et c'est ainsi que l'on approche le secret de
Nerval, cette ultime intuition qui nous révèle le "point-vierge" de son âme.
Si les femmes doivent accomplir
le salut du monde parce qu'elles seules permettent de déchiffrer l'énigme de notre
humanité, les Reines, elles, s'offrent plus particulièrement aux poètes comme les
Étoiles de leurs destinées singulières parmi les hommes. Et c'est pourquoi, au terme de
son initiation manquée, les Reines symbolisent pour Nerval cet
"Eternellement-Féminin" qui sauve l'homme de l'orgueil qui lui a fait rejeter
l'amour divin et qui le retire du désespoir d'avoir compris trop tard le mystère de
l'amour humain : au dernier moment. |