L’ILE VERTE

 

Les sources – Les perspectives

 

 

 

1307 – 2007

 

SEPT-CENTIEME ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE RULMAN MERSWIN

 

 

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Présentation du projet

INSULA VIRIDIS

français/allemand

 

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Rencontre interspirituelle – références imaginales – étoiles conductrices

 

Interspirituelle Begegnung – Imaginative Bezüge - Leitsterne

 

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 RULMAN MERSWIN (1307-1382)

 

Riche banquier strasbourgeois, Rulman Merswin fonda, au temps de Jean Tauler (1366), une communauté de laïcs qui souhaitaient se livrer à la prière et à la contemplation, sans entrer dans un ordre monastique : l’Ile Verte. La destinée de cette communauté fut cependant confiée en 1371 à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Mais, par l’intermédiaire de Rulman Merswin, elle continua de recevoir son inspiration d’un mystérieux personnage qui n’est pas autrement connu que sous le nom de « l’Ami de Dieu de l’Oberland ». Cette intervention dans la pieuse vie de Rulman Merswin revêtit une importance considérable non seulement pour lui-même mais pour ses compagnons de l’Ile Verte.

Si l’existence de l’Ami de Dieu de l’Oberland demeure énigmatique, elle n’en est pas moins celle d’un Maître spirituel dont l’enseignement transmis par Rulman Merswin s’inscrit dans la lignée des Amis de Dieu, qui est d’Orient et d’Occident. Si l’Oberland, le Haut-Pays, n’appartient pas à la géographie physique, il s’agit pourtant de notre vraie patrie dont nous sommes exilés et à laquelle nous aspirons. C’est vers elle que portent les pas lorsque, à la semblance de Rulman Merswin, nous nous engageons dans la voie des Amis de Dieu. Sept cents ans après la naissance de Rulman Merswin, des hommes et des femmes d’Occident s’y sentent toujours appelés.

 

JACOB BOEHME

 

« Je n’ai jamais cherché à connaître quelque chose du mystère divin ; je savais encore moins comment je devais le chercher ou le trouver. Et aussi je n’en savais rien, comme c’est le cas des simples laïcs. J’ai uniquement cherché le cœur de Jésus-Christ, pour m’y réfugier devant la colère terrible de Dieu et les assauts du diable ; et je priais Dieu ardemment pour qu’il m’envoie son Esprit et sa grâce, et je lui demandais de me bénir, et de me conduire, et de m’enlever ce qui me détournait de Lui, et de me rendre complètement à Lui, pour que vécût non point ma volonté, mais bien la sienne, et je lui demandais que ce fût Lui seul qui me dirigeât, pour que je devinsse son enfant, dans son Fils Jésus-Christ. Et dans cette recherche intense (où j’ai subi des attaques sévères, mais que je ne voulais point abandonner, dussé-je y laisser ma vie), dans mon désir ardent enfin la porte s’ouvrit devant moi et j’ai plus vu et connu en un quart d'heure que si j’étais resté de longues années dans une Université. Ce dont je m’étonnais grandement, [car je] ne savais ce qui se passait en moi, et mon cœur se tourna vers la louange de Dieu. Car je vis et je connus l’essence de toute essence (de tout être), l’abîme et le fondement. Ensuite, la naissance de la Sainte Trinité et l’origine et le fondement de ce monde et de toutes les créatures dans la Sagesse divine. Et je connus et je vis en moi-même les trois mondes, c’est-à-dire : le monde divin, angélique ou paradisiaque, le monde des ténèbres, fondement de la nature ignée, et ce monde extérieur et visible comme une créature engendrée ou bien exprimée par les deux autres mondes spirituels. Je vis et je connus toute l’essence, dans le bien et le mal, et comment l’un est fondé sur l’autre et en provient… ce qui, non seulement m’étonna, mais aussi me réjouit grandement ! »

 

 

NOVALIS

 

Le poète romantique allemand (1772-1801) n’est pas seulement le poète de la « fleur bleue », mais un initié dont la brève existence et une œuvre inachevée témoignent de son haut degré de réalisation spirituelle. De ses fiançailles avec la jeune Sophie von Kühn (1795) à sa mort, il a accompli ce « chemin mystérieux qui va vers l’intérieur », comme « voie des théophanies », qui reste une des voies privilégiées de l’Occident chrétien : « Christus und Sophie ». Il nous invite à la parcourir à son exemple pour atteindre non seulement la Source de Vie, mais aussi le seuil où se manifeste la noble Vierge, selon l’expression de Jacob Boehme, de Sophia, la Sagesse divine.

 

Novalis

 

« Il est merveilleux de s’approcher du cœur et de l’âme d’un homme tel que Novalis. Il surgit de la profondeur de la vie spirituelle occidentale, plongé lui-même dans la nostalgie du monde spirituel. Laissons-nous influencer par le fait qu’au cours de sa brève incarnation il permit aux mondes spirituels de se déverser dans son cœur juvénile, ces mondes qui étaient pour lui illuminés par l’impulsion christique. Alors nous ressentirons cela comme une invitation faite à notre propre âme, à notre propre cœur à le rejoindre dans la quête qu’il poursuivit, au cours de sa brève existence, vers le but qui brillait devant lui comme une grande lumière. Notre sentiment est que, dans cette incarnation, il fut l’un des prophètes des temps modernes de ce que nous recherchons dans les mondes spirituels. Nous avons l’impression que le meilleur enthousiasme pour cette recherche est celui qui vivait dans le cœur et l’âme d’un Novalis intimement imprégné de l’impulsion christique. »

 

« Mes chers amis, un cœur aussi plein de vénération et d’amour est un modèle pour tout ce qui veut s’abandonner à un sentiment de vénération et d’amour pur, véritable et dévoué. Un cœur comme celui-là peut exprimer les mystères du monde et de l’âme humaine de la façon la plus simple. C’est pourquoi les paroles que nous entendons de la bouche de Novalis ont souvent la valeur d’un écho de ce qui est toujours monté du triple courant de l’humanité vers l'Esprit avec tant de nostalgie, et aussi parfois tant de lumière. »

 

« Novalis peut nous servir d’éclaireur, d’étoile conductrice pour que, le suivant dans notre sentiment, nous ayons aussi la volonté de nous élever jusqu’à lui dans la connaissance. En même temps, nous devons nous appliquer, avec une volonté vivante, à apporter la vérité aux cœurs qui cherchent l’esprit dans la vérité. »

 

Rudolf Steiner

 

HENRY CORBIN

L’œuvre magistrale de Henry Corbin (1903-1978) est celle d’un « passeur » entre l’Orient et l’Occident, qui s’est attaché plus particulièrement, mais non exclusivement, à l’étude de la philosophie iranienne, ou plutôt de la théosophie ou de la gnose iraniennes, établissant de multiples rapprochements avec nombre de courants de la spiritualité chrétienne d’Occident. Les auteurs qu’il a traduits et longuement commentés s’attardent tous à la description de ce monde imaginal – qui n’est pas l’imaginaire – qui constitue l’apport majeur de Henry Corbin à la philosophie occidentale. Ce dernier aura tenté également de ressusciter une chevalerie spirituelle d’Orient et d’Occident, susceptible de rassembler juifs, chrétiens et musulmans, dans une même aspiration à la vie de l’Esprit. Sa pensée est orientale dans le sens où il disait : « L’Orient désigne le monde spirituel qui est l’Orient majeur auquel se lève le pur soleil intelligible, et les « Orientaux » sont ceux dont la demeure intérieure reçoit les feux de cette éternelle aurore. »