MOUNIR HAFEZ

A propos de Jacob Boehme

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"Armel Guerne et Mounir Hafez, Le Poète et le Soufi"

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Mounir Hafez, Ce Moi sur lequel ma vie ne peut rien

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Extraits d'Entre tradition et pensée contemporaine, Les Deux Océans, Paris, 2005

« Le soufisme est une vision occidentale. Dans la vision occidentale représentée par Maître Eckhart, par Jacob Boehme et ses suivants, qui sont pour ainsi dire personnifiés par ces deux personnages, l’on postulera au contraire, que c'est par manque d'ego, parce que l'ego est mutilé, qu’il n’est pas intégral et qu'il ne s'appuie pas sur sa double polarité d'ombre et de lumière, qu’il est emprisonnant. Maître Eckhart, en ce grand moment de l'histoire de l’occident, notera : il y a le « Gottheit », c'est-à-dire le divin, et puis, le Dieu personnel, en rapport avec la personne humaine et ses faiblesses. Ce Dieu personnel : « Gott », est à dépasser dans le Divin. « Gottheit » est l'état d'Unité, de Divinité, dans lequel doit venir s'éteindre le Dieu personnel et la personne humaine.  En cela, on l'a montré de façon assez sournoise -, il est vrai que la vision de Maître Eckhart est très proche de la vision asiatique, qui est d'éteindre la personne humaine dans un inconnaissable.

             À l'inverse, Jacob Boehme indiquera : c'est le passage de l'Absolu à la personne humaine qui constitue la naissance même de la personne. Il s'agit de préserver, d'entourer cette naissance de la personne à elle-même, qui naît du désir de l'Absolu.

            Et ici, nous retrouvons le soufisme : ce trésor caché désire absolument être connu, c'est le « nunc aeternitatis », un maintenant éternel. C'est cela qui est recherché et qui constitue pour Boehme, la naissance de la personne à elle-même et la naissance de Dieu à lui-même et à la personne. Le Dieu nuit constamment de ce mouvement de passage à la personne. Donc, il s'agit de devenir une personne, et non pas d'annihiler la personne en Dieu. C'est l'acte du mouvement d'exister qui crée la personne, et de ce mouvement va naître, ce que l'on a appelé le Divin, un Dieu. » (60)

          « Beaucoup pensent, tout à fait légitimement dans un certain sens, que ce qu'il faut, c'est accroître ses connaissances, sa culture, avoir un bagage de plus en plus riche, pour pouvoir jouir de plus en plus de la vie et de l'existence. Il est intéressant de savoir que certains illuminés, certains hommes ont reçu l'éclair dont on parlera souvent, un éclair, comme Jacob Boehme, - dont je vous recommande la lecture, ainsi que celle de Maître Eckhart, de Platon, ou aujourd'hui celle de Heidegger, de Husserl. » (40)

 « Jacob Boehme était cordonnier, il menait une vie tout à fait paisible, et un jour, en observant un pot d'étain, il a vu ce pot briller d'une façon extraordinaire. Il regarde, se dit, il n'y a pourtant pas de soleil et il reste là, immobile, pendant quelques heures. Il a expliqué : cette lumière - c'est un cas tout à fait classique -, m'a fait comprendre absolument toute la structure du monde, de Dieu, des créatures, du plérôme. Nous vivons encore avec ces grands schémas de pensée qui sont les mêmes que ceux de Descartes, les mêmes que ceux de Leibniz. Il se demandait: mais comment est-ce possible que je comprenne cela, moi qui suis un savetier, totalement ignorant. La lumière d'un objet, l'authentification de ce dont nous parlons, est que, si l’instant se met à briller, si la pièce se met à briller, c'est qu'il s'est passé quelque chose. Cette lumière physique, réelle, qui apparaît sur le pot d'étain, est la même que la Lumière de l'entendement, de l'Entendement pur, de l’Esprit.  C'est une visite qui peut nous prendre à n'importe quel moment, par surprise, et nous sommes continuellement visités par cette Lumière, mais elle est éteinte, nous ne nous en souvenons pas, nous l'oublions aussitôt qu’elle apparaît, parce qu'elle contrarie notre besoin d'augmenter, d'avoir plus, d'être plus. Nous nous souvenons, mais nous oublions en même temps, et l'on ne peut pas à la fois se souvenir et oublier. » (40)

« On dispose d’une volonté à laquelle il faut accorder un apprentissage, elle va être en rapport avec une vision, un entendement, un pur entendement, sans représentation, sans images. Comme le disait Hölderlin, nous avons à apprendre certaines choses par nous-mêmes, et non que quelqu’un nous les apprenne (…)

Cette possibilité est donnée à tout le monde, ce n’est pas le privilège de certains, qui seraient plus doués, plus sensibles ou plus intelligents. Ce qui est la base, c’est cette différenciation qualitative, entre vous-mêmes et vous-mêmes ; ce n’est pas seulement le privilège de Jacob Boehme. » (47-48)