"Ne
parlons plus de la radio, c'est lamentable ; quant à la T.V., c'est tout
simple : Novalis est un auteur français, et l'on se renseigne sur lui dans
le dictionnaire Larousse illustré. Bravo, la France!"
"Le Christ de Saint Jean de la Croix a véritablement changé
et enrichi l'air de mon cabinet de travail, d'où je descends depuis des
mois dans les mines et les cryptes douces-amères de Novalis - qui va me
retenir un an. Je suis en train d'essayer de rendre lisible en français
l'illisible Henri d'Ofterdingen. Entreprise aussi désespérée que la folie
de vouloir arracher G. de Nerval aux Nervaliens pour le restituer à
Nerval. J'aurais tort de me plaindre de mes tâches quand je vois ce que
font les autres. Je me plains seulement que le français soit devenu une
langue morte, que seuls entendent encore quelques étrangers cultivés."
12
janvier 1969
"Ce qu'ils appellent la littérature et ce qu'ils en disent,
à la télévision, ce serait merveilleux qu'on en fasse l'économie sur les
programmes. Tout le monde y gagnerait. Cela dit, réussir quand même à
faire parler de Novalis dans un temps comme celui-ci, c'est un exploit, ne
trouvez-vous pas ? Comme c'en fut un de parvenir à le faire éditer par ces
sinistres Gallimard. Et maintenant c'est publié. La chose existe. -
Avez-vous lu le texte d'Hemsterhuis, à la fin du second volume ? J'aime
bien."
le 6
mars 1973
"Dommage que cet ouvrage ne soit pas sorti vingt ou trente
ans plus tôt : c'est un très beau travail, assez impressionnant (où il me
semble avoir sauvegardé tout le charme de Novalis, beaucoup plus viril
qu'on ne croit) que d'autres temps que cette époque merdeuse eussent
assurément salué à grands cris."
7 mars
1975
"Cela dit, le Novalis est quand même un succès ; ce qui est
étonnant dans la moisissure contemporaine. Mais j'attends toujours un
éditeur-miracle (et de plus en plus incertain) pour briser l'ostracisme
dont est victime la poésie. Il faudrait pourtant faire vite, parce que
bientôt il n'y aura plus de papier : les Canadiens qui étaient ici la
semaine dernière (venus m'enregistrer pour Radio-Canada) disaient que vers
1980 on en manquerait partout dans le monde. Je ne peux pourtant pas me
mettre à graver la pierre ! " Extraits des Lettres à
Pérégrine |