Le second FAUST

 

Chorus mysticus. – Tout l’Éphémère n’est qu’un symbole ; l’Imparfait trouve ici son accomplissement ; l’Ineffable ici se réalise. L’Éternel féminin nous attire en haut »

 

Emportée loin de la terre par les esprits du ciel, l'âme de Faust traverse d'abord une région intermédiaire où prient de saints anachorètes, auxquels l'auteur donne les noms mystiques de Pater Extaticus,, Pater Profundus, Pater Seraphicus.  Dans cette solitude céleste, les âmes s'épurent et laissent au passage les dernières souillures de leur enveloppe terrestre. Une sphère supérieure encore est habitée par des enfants de minuit et les anges novices, qui, de là, transmettent l'âme aux saintes femmes, sur lesquelles règne et plane la souveraine du ciel, Mater Gloriosa.

 

Les trois grandes pénitentes, Madeleine, la Samaritaine et Marie l'Egyptienne, chantent un hymne à la sainte Vierge, en l'implorant. Marguerite, après elles, intercède pour l'âme de Faust, en répétant quelques paroles de la prière même qu'elle adressait, dans la première partie, à l'image de Mater Dolorosa.

 

Le ciel pardonne : l'âme de Faust, régénérée, est accueillie par les esprits bienheureux ; et l'auteur semble donner pour conclusion que le génie véritable, même séparé longtemps de la pensée du ciel, y revient toujours, comme au but inévitable de toute science et de toute activité.

 

 

 

 

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Final du second Faust

traduction Gérard de Nerval, François Bernouard, Paris 1830

Goethe par Karl Stieler, 1818

SUR LE SECOND FAUST ET SUR LA LÉGENDE

 

            Le pacte infernal signé entre Faust et Méphistophélès ne s'est ni accompli ni dénoué entièrement dans le premier Faust de Goethe. Lorsque Méphistophélès rappelle à lui le docteur au moment où Marguerite va marcher au supplice, le lecteur a pu supposer que l'âme de Faust tombait au pouvoir du démon, pendant que celle de Marguerite s'élevait au ciel, emportée par les anges. Le sens se trouve complet ainsi. Mais il restait pourtant à l'auteur le droit de continuer la vie fabuleuse de son héros et de mettre en oeuvre le reste de la légende populaire, dont il s'était écarté dans l'épisode de Marguerite.

 

            C'est ce que Goethe a fait dans le second Faust, et nous avons dû, pour l'intelligence des deux ouvrages, donner aussi la source même où il s'était inspiré. On verra par là ce qui lui appartient en propre et ce qui forme le fonds commun où sont venus puiser tant d'auteurs qui ont traité le même sujet. Ainsi que nous l'avons annoncé ailleurs, nous avons traduit entièrement dans cette édition la partie du second Faust qui fut publiée en 1827, du vivant de l'auteur, sous le titre d'Hélène.

 

            Le complément posthume de cette tragédie, qui a paru depuis dans ses oeuvres complètes, ne se rattache plus aussi directement au développement clair et précis de la première donnée, et, quelles que soient souvent la poésie et la grandeur des idées de détail, elles ne forment plus cet ensemble harmonieux et corrects, qui a fait du premier Faust un chef-d'oeuvre immortel. Une analyse détaillée, mêlée des scènes les plus remarquables, entièrement traduites, nous a paru suffire pour guider le lecteur du dénouement du premier Faust à ce magnifique acte d'Hélène, qui est véritablement la partie la plus importante du second Hélène de Goethe, et où se retrouve encore un beau reflet de ce puissant génie, dont la faculté créatrice s'était éteinte depuis bien des années, lorsqu'il essaya de lutter avec lui-même en publiant son dernier ouvrage.

 

            Nous avons ensuite repris le récit de l'action secondaire qui se passe à la cour de l'empereur, et nous avons donné dans leur entier les scènes de la mort de Faust, dans lesquelles l'auteur semble s'être inspiré à son tour du poème de Manfred de lord Byron, que son premier Faust avait évidemment inspiré. Notre travail se trouve ainsi complet, et l'examen analytique, reliant entre elles les grandes parties qui se correspondent, explique les scènes d'intermède et d'action épisodiques fort diffuses et fort obscures pour les Allemands eux-mêmes.

 

            Avertissement de Gérard de Nerval

 

Dans le Ciel

 

LES TROIS PENITENTES

Magna Peccatrix (S.  Lucae, VIII, 36), Mulier. Samaritana, (S. Joh., IV), Maria Aegyptiaca (Acta Sanctorum)

 

CHŒUR

           

Toi qui à de grandes pécheresses

N'as jamais refusé de s'approcher de toi ;

Toi qui as fait monter dans l'éternité

La pénitence ressentie au fond du coeur,

Daigne accueillir cette bonne âme

Qui ne s'est qu'une fois oubliée

Et qui n'avait jamais pressenti sa faute

Daigne lui accorder son pardon.

 

                   Une Pénitente, appelée autrefois Marguerite

 

       Abaisse, abaisse,

       Toi sans pareille,

       Toi, radieuse,

       Ton regard de grâce vers mon bonheur !

       L'amant de ma jeunesse

       Échappé aux troubles de la vie,

       Il revient auprès de moi !

 

                   Enfants Bienheureux, s'approchant en cercle

 

       Il nous surpasse déjà en grandeur

       Par la force de sa stature ;

       Il récompensera pleinement

       Nos soins, notre fidélité et notre sollicitude

       Nous fûmes de bonne heure éloignés

       Des choeurs joyeux des hommes ;

 

       Mais celui-ci a appris beaucoup,

       Et il nous apprendra à son tour.

 

                   La Pénitente, autrefois Marguerite

 

       Entouré du noble choeur des esprits,

       Le nouveau venu se reconnaît à peine

       A peine il pressentit cette vie renouvelée,

       Et déjà il ressemble à la sainte cohorte.

       Vois comme il se délivre de tout lien terrestre !

       Comme il jette à bas ses vieilles dépouilles

       Et comme de la robe éthérée

       Jaillit la première force de la jeunesse.

       Permettez-moi de le guider et de l'instruire

       Car le nouveau jour l'éblouit encore.

 

                                    Mater Gloriosa

 

            Viens, élève-toi jusqu'aux sphères supérieures

            Dès qu’il pressentira ta présence, il te suivra

 

       Choeurs Célestes.