Julius Evola a rédigé en 1972 une autobiographie spirituelle, intitulée Le Chemin du Cinabre, où
il écrit: « Je dois très peu au milieu, à l’éducation, à la lignée de mon
sang. Dans une large mesure, je me suis trouvé en opposition tant avec la
tradition prédominante en Occident – le christianisme et le catholicisme –
qu’avec la civilisation actuelle, avec « le monde moderne » démocratique
et matérialiste ».
C’est ainsi qu’il se
rapprocha très jeune du mouvement futuriste (Marinetti) jusqu’à ce qu’il
s’engage, à l’âge de 17 ans, comme officier d’artillerie et prenne part à
la première Guerre mondiale (près d’Asiago). Démobilisé, il traverse une
crise grave, - « le sentiment de l’inconsistante et de la vanité des buts
qui engagent normalement les activités humaines » - se livre à diverses
expériences (mescaline) qui augmente encore son malaise intérieure, au
point de d’envisager même le suicide. Il a 25 ans. C’est à la lecture
d’« un texte du bouddhisme des origines » qu’il comprend que « ce désir
d’en finir, de me dissoudre, était un lien, une « ignorance », opposée à
la vraie liberté. A ce moment là doivent s’être produits en moi un
retournement et l’apparition d’une fermeté capable de résister à toute
crise ». De cette période date une importante production artistique « dans
la ligne de l’abstractisme et du dadaïsme » (Tristan Tzara) ainsi qu’un
poème écrit en français, La Parole obscure du paysage intérieur. A
cette période artistique succède une période philosophique qui va de 1923
à 1927 environ pendant laquelle il va développer une pensée originale,
tout un « système » qu’il nomme « idéalisme magique », en référence au
poète romantique allemand Novalis, et aussi « théorie de l’individu
Absolu » - mais il note :« On le sait, le premier terme [l’« idéalisme
magique »] avait déjà été employé par Novalis. Mais bien que Novalis fût
un de mes auteurs préférés et bien que certaines de ses intuitions eussent
pris pour moi une valeur essentielle, l’orientation de mon système fut
très différente ».

Ce qui mérite naturellement
l’attention, c’est tout le « système » ultérieur que Julius Evola va
développer, à commencer par la notion de Tradition : « L’enseignement
traditionnel, sous ses diverses formes, a toujours et partout affirmé
l’existence d’une race primordiale, porteuse d’une spiritualité
transcendante et souvent considérée, pour cette raison, comme
« divine » ou « semblable à celle des dieux ». Dès lors l’humanité, ou
mieux les âges de l’humanité se distinguent les uns les autres en fonction
de leur fidélité plus ou moins grande à l’enseignement traditionnel. Des
cycles se succèdent toujours dans le sens d’une involution, donc d’un
éloignement progressif de l’humanité de l’enseignement traditionnel,
depuis son âge d’or : « L’âge d’or, dont toutes les traditions parlent
d’une façon ou d’une autre, est un lointain souvenir du cycle de cette
race, mais celle-ci, sa fonction et son siège furent également conçus sur
un plan supra historique, du fait qu’à un moment donné ce qui avait été
manifeste devint caché. En raison de l’involution progressive de
l’humanité, rappelée aussi par toutes les traditions, la fonction exercée
par cette race devint peu à peu invisible et ce contact direct entre
l’élément historique et l’élément supra historique fut interrompu. »
C’’est ainsi que Julius Evola
distingue pour notre temps présent deux ordres : « Il y a un ordre
physique et il y a un ordre métaphysique. Il y a la nature mortelle et il
y a la nature des immortels. Il y a la région supérieure de l’« être » et
il y a la région intérieure du « devenir ». Plus généralement : il y a ce
qui est visible et tangible et, avant tout cela, il y a ce qui n’est ni
tangible ni visible en tant que supra monde, principe et vie véritable ».
Le monde moderne s’inscrit tout entier dans l’ordre du « devenir », et il
a rompu avec l’ordre métaphysique. De la même manière, la religion
participe du « devenir », quand l’ésotérisme, qui est du côté de l’Etre,
s’origine dans le supra monde : « On peut admettre que, dans un système
traditionnel complet, religion et initiation sont deux degrés ordonnés
hiérarchiquement, dont le rapport s’est exprimé dans le domaine doctrinal
par l’exotérisme et l’ésotérisme, la simple foi et la gnose, la dévotion
et la réalisation spirituelle, le plan des dogmes et des mythes et le plan
de la métaphysique ».
Qu’en est-il des autres
âges ? L’âge d’argent se définit par un « type de spiritualité
sacerdotale, plus féminin que viril ». L’âge de bronze est celui de la
« révolte d’une virilité sauvage » : « C’est la dégradation de la caste
guerrière, sa révolte contre celui qui représente l’esprit, révolte
motivée par le fait que celui-ci n’est plus le chef le chef olympien, mais
un prêtre ». Quant à l’âge de fer, ou « âge sombre », il s’agit de notre
âge actuel. |