Durant des années, cette unique photographique de
l’auteur de La Messagère, parue dans le
Cahier de l’Herne consacré à Henry Corbin, en
1981, posait une énigme, sa légende délivrant
seulement un prénom ainsi qu’une date : « 1961,
conversation avec Sunsiaré, autour du titre de son
roman, La Messagère ».
Quel
visage se dissimulait derrière la blonde chevelure
de cette jeune femme remarquablement séduisante dont
le propos paraissait captiver Henry Corbin ? Et qui
était cette mystérieuse Sunsiaré, auteur d’un unique
roman, dont le titre avait provoqué la curiosité de
l’orientaliste ? Pour le roman lui-même, il
suffisait de le lire, mais la biographie de son
auteur demeurait inconnue, sauf que
Sunsiaré
était morte dans un accident de voiture, en
compagnie de Roger Nimier, à l’âge de 27 ans.
La réponse est
venue du roman-enquête de Lucien d’Azay, A la
recherche de Sunsiaré, Gallimard, 2005, qui
rectifie au passage l’année de la rencontre de Henry
Corbin et de Sunsiaré, puisque d’après la lettre de
Gilbert Durand, adressée à l’auteur, c’est en 1962,
l’année de la mort de Sunsiaré, qu’il convient de la
fixer :
« Au printemps 62,
à Paris (salle de l’UNESCO que nous prêtait
Caillois, je crois), lors de ma conférence à la
« Société du Symbolisme », je vis dans le public,
juste en face de moi, un couple radieux qui me
souriait… A l’« entracte », ce couple se présenta à
moi et Sunsiaré me dit : « Monsieur, vous allez
entendre une conférence – celle d’Abellio – de
l’homme le plus intelligent que je connaisse. »
C’est moi qui, malgré bien des réticences
intérieures, avait fait inviter le mage de chez
Gallimard… Nous bavardâmes un peu, et j’en vins à
leur demander, puisqu’elle se présentait comme
« orientaliste » suivant les cours d’Henry Corbin à
l’EPHE, quelques renseignements sur le « chapelet »
musulman ; c’est alors qu’elle me dit de contacter
de sa part Henry Corbin qui pendant quinze ans
allait être mon « Maître ». Elle fut bien la
« Messagère » : Corbin deux ans plus tard
m’introduisit dans la Cercle – prestigieux alors !
d’Eranos que je devais fréquenter pieusement pendant
un quart de siècle ».
Mais, qui était au
final Sunsiaré ? C’est le mérite du livre de Lucien
d’Azay de ne pas trop se prononcer lui-même, de
laisser s’exprimer librement les nombreux
témoignages recueillis auprès de ceux qui l’ont
connue, de Julien Gracq à Michel Camus.
En relation avec
Henry Corbin, et parce que la référence à Swedenborg
semble particulièrement appropriée au cas
« Sunsiaré », on retiendra, parmi ces témoignages,
celui de Laszlo Szabo : « Elle semblait toujours
heureuse, mais ce n’était qu’une apparence. C’était
une traversée, pas une apparition… Un ange,
qui s’est embrasé comme un phénix. On aurait dit
Séraphîtus Séraphîta de Balzac. Celle qui tombait
vers le haut, conclut-il avec un geste ascendant ». |