APERÇUS BIOGRAPHIQUES

 Bruce Chatwin est né le 31 mai 1940 à Sheffield, il est mort à Nice le 18 janvier 1989

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour à Bruce Chatwin - Bibliographie

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La biographie de cet Anglais né au début de la Deuxième Guerre mondiale lui accorde déjà plusieurs vies, de carrières si l’on veut. Il fut directeur chez Sotheby, expert en antiquités diverses et spécialiste autorisé en peinture impressionniste, journaliste au Sunday Times, écrivain enfin. Homme de nulle part toujours, autrement dit voyageur. Il a même une théorie sur la question, sujet d’un premier livre, « incompréhensible à son auteur », avoue-t-il et en tout cas jamais publié. Pour Bruce Chatwin, la civilisation commence et s’accomplit avec le nomadisme. La preuve de l'homme c’est le mouvement : je bouge donc je suis. Ses yeux couleur de ciel sous sa courte crinière blonde soulignent que le jeune homme a décidé de ne pas vieillir. On parlera volontiers de lui comme d’un « éternel adolescent », ce qui ne veut évidemment rien dire sinon cela justement qu’il n'entend pas plus se fixer dans un âge que dans un lieu. Pour le reste Bruce Chatwin a, comme tout un chacun, un état-civil et même un domicile fixe à Londres, meublé, c’est lui qui raconte, de rares objets qui sont aussi des objets rares, mais surtout des signes, boîtes japonaises médiévales d’inspiration Zen ou manuscrit reproduisant un passage du Coran dans lequel Dieu crée la plume. Chatwin a confié un jour qu’il n’aimait pas être qualifié d'écrivain de voyages. Il faut l’admettre. Comme V.S. Naipaul ou Paul Theroux qu’unissent des liens, évidents autant qu’invisibles, dont les origines se perdent dans les ténèbres de Joseph Conrad, Bruce Chatwin est plutôt un voyageur de l’écriture, jonglant avec une stupéfiante facilité avec les longitudes et les latitudes sans que l’on puisse savoir s’il s’agit de géographie ou d’histoire. Mais écrivain avec ça. Et de quelle trempe. Les meilleurs de ses contemporains ont accumulé à son propos les références superlatives, de Rimbaud à Hemingway en passant par Flaubert, Lawrence, Thomas Hardy et Graham Greene. Chatwin lui-même avoue une passion pour Racine. « J’aimerais penser, disait-il à propos du Vice-Roi de Ouidah, qu’on y trouve des échos de Bajazet. » Marc Kravetz, 1983

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"Ma petite enfance fut la guerre et le sentiment de la guerre. Nous étions sans logement, à l'abandon. Mon père était en mer, ma mère et moi errions d'un endroit à l'autre, traversant l'Angleterre en tous sens pour nous réfugier chez des parents et des amis. Nos lieux de séjour ont moins de consistance que les voyages qui les séparent. Les maisons sont irréelles. J'ai toujours l'horreur du domicile."

"En pension, je me passionnais pour les atlas et on me tenait toujours à l'écart parce que je racontais des histoires à dormir debout."

"L'été de mes treize ans, je partis seul en Suède..."

"En décembre 1958, puisque mes talents étaient à l'évidence "visuels", j'entrai comme porteur chez MM. Sotheby & Co, la salle des ventes de Bond Street." voir Bruce à Sotheby's

"J'appris à connaître la céramique chinoise et la sculpture africaine. Je fis étalage de mes maigres connaissance des impressionnistes français et cela me réussit. Rapidement, je devins un expert au verdict instantané, partant en avion ici ou là pour me prononcer, avec une arrogance incroyable, des jugements  sur la valeur ou l'authenticité d'œuvres d'art. Je prenais un malin plaisir à annoncer aux gens que leurs tableaux étaient des faux. (...) Sur Park Avenue, une femme me claqua la porte au nez en criant : "Je ne vais pas montrer mon Renoir à un gamin de seize ans."

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Bruce Chatwin en 1964, il se mariera l'année suivante

"Sans le sou, déprimé, j'avais le sentiment, à l'âge de trente-trois ans, d'avoir complètement raté ma vie"

"Durant les vacances d'été, je partis vers l'est et atteignis l'Afghanistan." Voir Chatwin et l'Afghanistan

"Bruce Chatwin devint écrivain alors qu'il avait plus de trente ans. Entre vingt et trente, il entama et abandonna deux carrières professionnelles : il connut la réussite chez Sotheby's et fuit son succès. Il n'acheva pas ses études d'archéologie à Édimbourg - au cours d'une interview sur une station de radio française, il se définit lui-même comme un "archéologue raté". Il accomplit également de nombreux voyages en Europe, en Afrique et en Asie, souvent grâce aux profits tirés de la vente d'objets. Quand il eut trente ans, les enthousiasmes et les expériences qui devaient lui attirer tant de lecteurs - la passion pour les choses vues, la curiosité pour l'histoire, le goût pour l'étranger, la fascination devant les contradictions et les chemins de traverse - constituaient déjà des caractéristiques de son existence." Susannah Clapp

> PATAGONIE

"Une après-midi au début des années 1970, à Paris, j'allai voir l'architecte et designer Eileen Gray qui, à l'âge de quatre-vingt-treize ans, trouvait tout naturel de travailler quatorze heures par jour. Elle habitait rue Bonaparte. Dans son salon était accrochée une carte de Patagonie qu'elle avait peinte à la gouache.

"J'ai toujours voulu aller là-bas, dis-je.

- Moi aussi, ajouta-t-elle. Allez-y pour moi."

J'y suis allé. J'ai envoyé un télégramme au Sunday Times de Londres : "Parti en Patagonie"

LA FIN

"Quand je suis venu ici pour la première fois, ils m'ont dit que j'avais une mycose de la moelle, et que j'avais dû attraper ça dans une grotte en Chine. Phénoménal! Tellement rare qu'avant moi la littérature médicale n'en mentionne que neuf cas. Je suis le dixième! En plus ils m'ont dit pourquoi j'avais chopé ça, Redders. Tu sais pourquoi? J'ai chopé ça parce que j'ai le sida. Ils m'ont annoncé que je n'en avais plus que pour six mois ou un an. Alors je me suis dit : bon, jamais je ne tiendrai le coup. Jamais je ne pourrai m'y faire. Jamais je ne pourrai m'atteler à mon gros bouquin sur les nomades... Vois pas comment j'pourrais mettre en forme toutes mes notes... et jamais je n'accepterai de me voir dépérir, grignoté dans ma tête, en foirant partout. Alors je suis allé à Genève. Je connais un endroit dans les Alpes qui me hante l'esprit, un à-pic extraordinaire, tout près de la Jungfrau. Je voulais me jeter de là dans le vide. Ou alors, je me disais qu'à défaut je pourrais toujours partir pour le Niger et tout bonnement me déshabiller, me mettre un pagne et marcher dans le désert jusqu'à ce que le soleil me dessèche la carcasse. Mais c'est la moelle qui m'a pris de vitesse. Je me suis évanoui sur un trottoir. On m'a conduit à l'hôpital en taxi. Ensuite, Elizabeth est venue me récupérer et elle m'a ramené ici. J'étais si faible que je n'avais même plus la force de chuchoter. On m'a admis ici un vendredi et tout le monde pensait que j'irais pas jusqu'au lundi suivant. Mais Juel-Jensen m'a perfusé avec son antifongique et Elizabeth m'a veillé nuit et jour pour me tirer de là. Si je suis encore en vie, c'est à eux que je le dois."

cité par Redmond O'Hanlon