Thomas Carlyle

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Thomas Carlyle, "Novalis", in Nouveaux Essais choisis de Critique et de Morale, 1909

Thomas Carlyle

(1799 - 1881)

"En ce qui concerne le caractère de son génie, ou plutôt peut-être de sa signification littéraire, et la forme sous laquelle il manifesta son génie, Tieck pense qu’il peut être comparé à Dante : « C’était devenu chez lui », dit-il, « une disposition toute naturelle, de regarder les choses les plus ordinaires et les plus proches comme un prodige, et les choses étrangères, surnaturelles, comme on ne sait quoi d’ordinaire ; la vie quotidienne elle-même des hommes était autour de lui comme une fable étonnante, et ces régions dont la plupart rêvent ou doutent comme d'une chose distante, incompréhensible, étaient pour lui une demeure familière et bien-aimée. Il se fit ainsi, non corrompu par les exemples, une nouvelle méthode d'expression ; et dans sa multiplicité de sens, dans sa conception de l'Amour, dans sa croyance en l'Amour comme à la fois en son Maître, en sa Sagesse, en sa Religion ; en ceci aussi qu'un seul grand événement de la vie, un deuil et un chagrin en vinrent à être l'essence de sa Poésie et de sa Contemplation, - il ressemble, seul parmi les modernes, au noble Dante ; et il nous chante, comme lui, un insondable, mystique chant, bien différent de celui de tant d'imitateurs, qui se figurent qu'on endosse et qu’on quitte le mysticisme comme un vêtement. » Considérant la tendance de ses efforts poétiques, aussi bien que l'esprit général de sa philosophie, cette flatteuse comparaison peut se trouver mieux fondée qu'elle ne semble l’être à première vue. Cependant, si l'on nous demandait de donner, d'après cette méthode, qui nous semble en tous cas une méthode très vague, une idée de Novalis, nous inclinerions à l'appeler le Pascal allemand plutôt que le Dante allemand. Entre Pascal et Novalis, un amateur de semblables analogies pourrait relever plus d'un point de ressemblance. L'un et l'autre ont la nature la plus pure, la plus affectueuse ; l'un et l'autre sont mathématiciens et naturalistes, mais s'occupent surtout de Religion ; bien plus, leurs meilleurs écrits, à tous les deux, sont restés sous forme de « Pensées », de matériaux d'une grande entreprise, dont chacun d'eux, avec les vues particulières à son époque, avait conçu le plan, en quelque sorte, pour le progrès de la Religion, et qu’aucun d’eux ne vécut assez longtemps pour réaliser. Et dans tout ceci il ne faudrait pas non plus manquer de remarquer avec soin que Novalis était, non pas le Pascal français, mais le Pascal allemand ; et là-dessus, des habitudes intellectuelles de l'un et de l'autre, maints contrastes et maintes conclusions pourraient se déduire, du point de vue national ; chose que nous laissons à ceux qui ont le goût de tels parallèles."