PHOTOGRAPHIE
"Je suis portraitiste. Si le paysage est superbe, je le
prends et si la photo est bonne je me réjouis. Mais
ce qui m'intéresse avant tout, c'est le visage des
gens et encore plus, ce qui se passe entre le
photographe et le modèle au moment où prend place
cette opération à caractère magique"
RETOUR D'ASIE
"Revenir d'Asie pose des problèmes très
précis.
En Suisse, retour d'Inde et du Japon, je
me suis longtemps senti mal à l'aise. Les magasins, les rues
m'inspiraient une répulsion irraisonnée. Noël qui approchait, la foule
des acheteurs, les faces tartinées de santé, le bruit des sous, la
couperose me donnaient le cafard. Le seul endroit où je respirais, où je
croisais de vrais regards c'était - tenez-vous bien - l'hôpital.
Pourtant c'était mon pays que je m'étais réjoui de revoir, pourtant on
m'avait partout accueilli avec une gentillesse qui ne se démentait pas.
Alors ? Je crois que c'était l'argent qui me gênait. L’argent engorgeait
tout. Et à cause de cet argent, il n'y avait plus de foule ; elle était
rompue, divisée comme une étendue de sable par les mailles éparses d'un
filet. Il n'y avait que de petites fortunes, de petites coquilles, de
petites solitudes meublées, feutrées, équipées, mais solitudes quand
même. Dans les salles de billard, dans les autobus, j'entendais souvent
cette phrase qui me paraissait stupéfiante : « Moi, je n'ai besoin de
personne.» La communauté n'existait plus - communauté : le sentiment
profond que le sort de n'importe lequel de vos semblables vous concerne
et vous affecte en quelque façon, la conscience d'une interdépendance -,
et pour qu'elle se recrée il fallait un de ces chocs - accident mortel
sur la route, révolution hongroise - qui montrent bien que l'argent
n’est pas tout et que ce qui nous rapproche des autres est plus
fondamental que ce qui nous en éloigne."
L'oeil du voyageur SUISSE
"Pour moi, être suisse, c'était en
premier lieu la montagne."
"Je m'intéresse beaucoup à la Suisse
nomade. C'est l'archétype de la l'autre côté de la montagne. Qu'y a-t-il
de l'autre côté de la montagne? C'est certainement mieux, mais on ne le
voit pas. C'est aussi la claustrophobie alpine qui nous a fait nous
répandre sur toute la planète."
VIE NOMADE
"La dialectique de la vie nomade est faite
de deux temps: s'attacher et s'arracher. On n'arrête pas de vivre ce
couple de mots tout au long de la route. On a peine à quitter les amis
que l'on s'est faits, mais en même temps on se réjouit de la chance
qu'on a de pouvoir se promener sur cette planète. On se dit, si cette
amitié doit durer, elle durera Inch'Allah. Dans la plupart des cas, elle
ne dure pas.
Mais j'ai été très aidé en voyage. Il faut
dire que c'est tout à fait comme dans la Grèce homérique, lorsqu' on est
sur ces très mauvaises routes. On prend son temps, on fait des
rencontres, on se dit : tiens, il y a un remarquable joueur de cithare
ou un cornemuseur renommé dans la province. S'il n'est pas là, on
s'installe une semaine, on l'attend. Quand on l'a écouté, on a eu à peu
près ce que la région pouvait vous donner de meilleur et quand on va
plus loin, on a des choses à raconter, des musiques à faire entendre.
Donc, le voyageur a lui aussi une fonction nourricière. Nous, on nous
tuait de questions et moi aussi, quand j'ai voyagé seul. On n'arrive pas
les mains vides, on apporte son écot."
VISAGE
"Je pourrais consacrer ma vie aux
visages des autres"
"Ce que j'aime c'est qu'un visage, lorsqu'il
n'est pas tourmenté ou psychotique, reflète une architecture du cosmos" |