Maryam
Bawardi est née en Palestine, à Abellin, le 5 janvier 1846. A l’âge
de 12 ans, le 8 septembre 1858, elle est guérie miraculeusement d'une
blessure mortelle (gorge tranchée) dont elle gardera une cicatrice et la
voix brisée : « En pareil jour, j'étais avec ma Mère. En pareil
jour, j'ai consacré ma vie à Marie. On m'avait coupé le cou et demain
Marie m'avait prise » (8 septembre 1874). Elle dira aussi, à propos
de sa guérison : « Je sais à présent que la religieuse qui
m'a soignée après son martyre était la Sainte Vierge ». Trois ans
plus tard, en 1861, elle rencontre dans les rues de Jérusalem un jeune
homme mystérieux qui se présente à elle sous le nom de Jean-Georges et
qui se propose de la conduire au Saint-Sépulcre : « Parvenue
au lieu saint, raconte son biographe, Amédée Bruno, elle promet
à son mystérieux guide de prononcer le vœu perpétuel de virginité
s'il en fait autant. Et c'est
ainsi que, dans l'édicule sacré, sur le lieu même de la tombe glorieuse
du Seigneur Jésus, ces deux jeunes gens devinrent des « fils de la
Résurrection » en émettant le vœu définitif de chasteté ». Le
15 juin 1867, elle entre au Carmel de Pau où elle commence son noviciat.
En août 1870, six carmélites dont Maryam quittent Pau pour aller
fonder un carmel en Inde, à Mangalore. C'est dans ce Carmel qu'elle
prononce ses vœux perpétuels, le 21 novembre 1871, jour de la Présentation
de Marie au Temple. Cependant, elle est renvoyée de Mangalore pour des
motifs obscurs – mais « quand Dieu aime un de ses serviteurs, le
signe de Sa prédilection est qu'Il incite les autres à le persécuter ».
Elle retourne donc à Pau, pour trois années, puis repart une nouvelle
fois, pour la fondation d'un autre carmel, à Bethléem (1875), où elle
meurt, le 26 août 1878, à l'âge de trente-trois ans. « Je me
sens le cœur ouvert ; il y a comme une plaie ; et quand j'ai certaines idées
et impressions de Dieu qui me touchent, c'est comme si on me touchait la
plaie du cœur, et je tombe en faiblesse, je me perds. » Parmi
les charismes dont Maryam Bawardi fut comblée au cours de sa brève vie
d'extatique, il faut mentionner les lévitations, qui rappellent Sainte
Christine l'Admirable qui, lorsqu’elle désirait prier, « s'isolait
à la cime des arbres ou sur de
hauts clochers, afin d'y trouver la paix de l'esprit. », la bilocation,
comme le Padre Pio de Foggia (mort en 1968), et surtout les stigmates dont
cette transverbération du cœur, manifestation visible de la « blessure
d'amour » intérieure, dûment constatée après sa mort, qui évoque
naturellement Sainte Thèse d’Avila : « Apercevant en vision
Ste Thérèse, elle lui dit : « Mère Thérèse, Jésus m'a percé
le cœur! » (24 mai 1868, au carmel de Pau). Elle
bénéficia aussi de nombreuses apparitions : des anges, des saints et
plus particulièrement le prophète Élie, dont la première manifestation
eut lieu le jour de sa fête, le 20 juillet 1867. Elle reçut enfin le don
de prophétie, particulièrement à propos de la France : « C'est
la Couronne d'épines que le dernier roi croisé, Louis XI de France, reçut
d'Orient pour qu'elle refleurît un jour au « rosier », sur le
blason de la « nation du Sacré-Cœur ».
Les dons exceptionnels de Maryam Bawardi, qui sont les signes
indiscutables de son élection, témoignent de son appartenance à la lignée
des compatientes et des « vexillaires de la Passion ». Elle
reste une figure de « substituée mystique » dont, au moins
autant que les charismes et la sainteté, la naissance palestinienne et au
sein de la chrétienté orientale (grec-catholique), constitue un « signe
de Dieu » pour la Palestine et l’ensemble des chrétiens d’Orient,
en faveur de qui elle intercède, sainte stigmatisée, substituée à ses
frères palestiniens. Louis
Massignon et Maryam Bawardi
Louis Massignon avait appris l'existence de Maryam Bawardi, deux mois à
peine après sa conversion, en 1908, en Irak, par l’intermédiaire du Père
Anastase-Marie de St Élie, carme de Bagdad, auteur d’une biographie en
arabe de Maryam (1926). Depuis l'été 1908, quand Louis Massignon
mentionne pour la première fois la bienheureuse Palestinienne, dans sa
correspondance et dans son Journal, depuis ses pèlerinages à Abellin, en
1935, et à Bethléem, sur sa tombe, en 1949, jusqu’en 1957, quand il
annonce que « la cause de béatification à Rome de la carmélite
arabe, grec-catholique, Maryam Bawardi (Sœur Marie de Jésus Crucifié),
née à Abellin et morte à Bethléem en 1878, avait été reprise »,
il a confié toute sa vie à celle qui, depuis sa mort, n'est pas
autrement désignée par les chrétiens orientaux que par le nom d'al-Qiddisa,
c'est-à-dire la Sainte. |