Chant I

ange

SOMMAIRE

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Prologue

Chant II

Chant III

Chant IV

Chant V

Chant VI

Chant VII

Chant VIII

 

Tu ne m'as pas dissimulé ta beauté,

ni le secret de cette beauté,

et les lignes maternelles de ton visage,

un seul de tes regards m'a permis de les comprendre.

Tu m'as enseigné le secret de l'amour humain, 

ô mon Ange!

Mais le visage de l'Ami, comment le lire?

Ton regard a modifié mon regard.

Ce que mon regard perçoit, il le perçoit en ton regard,

et mon regard est devenu regard de toi.

Oui, Il se montre à découvert dans Ses créatures.

 

Commentaire

        Les fedeli d'amore n'ont connaissance que d'un seul mystère, selon lequel "c'est dans le livre de l'amour humain qu'il faut apprendre à lire la règle de l'amour divin". Après avoir connu ce mystère et traversé toutes les épreuves de l'amour, -  après s'être détourné de la Beauté, par ascèse, et s'être livré à Elle, au risque de se perdre, - le Fidèle d'Amour rencontre finalement l'être de beauté qui apaise son cœur, cet Ange auquel il n'a cessé d'aspirer, à la manière de Sohravardî : "Ah! que tu te manifeste à moi en la plus belle des théophanies, que tu me montres la lumière de Ta face éblouissante" (trad. Henry Corbin). 

          Il a suffi d'un visage et il a suffi d'un regard.

          Faute du regard de l'Ange, comment le Fidèle d'amour accèderait-il, en effet, à la vision de l'Ange? Et sans devenir lui-même le regard de l'Ange, comment les "lignes maternelles" du visage de l'amie se seraient-elles manifestées à lui? C'est ce que Rûzbehân Baqlî Shîrazî, le plus pur des fedeli d'amore, exprimait en ces termes : "La coalescence du regard de l'Amant et du regard de l'Aimé est impliqué dans le regard de coalescence  qui est l'essence de l'amour".

          A l'origine se trouve le regard de l'amie, de l'être de beauté qui s'avance au devant du Fidèle d'amour ; ce regard provoque en lui la commotion qu'il reconnaît entre toutes : il se trouve à nouveau en présence de l'Ami - mais cette fois, au lieu de demeurer sous le regard de Celui qui le captive depuis toujours, il devient son regard et, aussitôt, voit l'Ange sur le visage de beauté de l'amie, dont les "lignes maternelles" lui désignent l'Être ravissant.