De
la vie d'Orélie-Antoine de Tounens, à l'évocation des derniers
Alakalufs, de la Patagonie réelle à la communauté des Patagons dont il
est le Consul Général, Jean Raspail récapitule dans ce dernier ouvrage
tout ce qui se rapporte au grand rêve de sa vie, avec humour et
émotion.
Un ouvrage où l'on
croise quelques figures exceptionnelles, du prince Mario Ruspoli, à Marc
Augié, alias Saint Loup, du capitaine Louis Lacroix aux marins du
croiseur Dresden, de Lionel Terray à cette mystérieuse Christina de
Falkenberg, qui semble d'ailleurs sortir tout droit d'un roman de Jean Raspail On y
rencontre aussi la magnifique figure de José Emperaire, mort
accidentellement en Patagonie : "En quittant le cimetière de Puntas
Arenas, on peut aussi saluer José Emperaire, enterré près de l'entrée,
à droite dans la grande allée. C'est la Municipalidad de Magallanes
qui a fait poser la plaque sur sa tombe. Il n'y figure nulle mention - ni
ambassadeur, ni consul - d'une quelconque présence française ce
jour-là."
Voir José Emperaire,
Les Nomades de la mer,
"Les
Alakalufs étaient un des peuples les plus vieux de la terre. (...)
On suit à peu près leurs traces en Amérique par
quelques gisements préhistoriques connus. Ils marchèrent ainsi pendant
des centaines d'années, s'enfonçant toujours plus loin vers le sud
encore désert, refoulés siècle après siècle dans les parties les plus
déshéritées du continent sud-américain que personne, au moins, ne leur
disputait. Arrivés au golfe de Peñas, à l'entrée du canal Messier, qui
est la porte du labyrinthe maritime fuégien, ils s'arrêtèrent, et cette
fois ils étaient seuls. Poursuivis depuis tant d'années, aussi longtemps
que remontait leur mémoire, ils étaient tout de même loin d'être
rassurés. Qui sait s'ils ne seraient pas une fois de plus chassés de
là, contraints de fuir, de fuir encore? Mais où? Comment? Des montagnes
infranchissables et des glaciers terrifiants leur barraient le chemin vers
le sud, et tout un univers liquide qui était complètement différent de
leur univers terrien ancestral.
C'est à partir de ce moment-là qu'ils accomplirent
leur mutation et que ces marcheurs de terre ferme se changèrent en
nomades de la mer. Cela dura peut-être mille ans..."
"La Patagonie peut
devenir défi, simulacre de conquête, provocation, pied de nez, refus, refuge,
rêverie, regret, canular, voire dérision ou dégoût, ou plus simplement
une façon de s'amuser peu communément, mais elle doit rester un
jeu."
Jean
Raspail donne une image nouvelle d'Orélie-Antoine 1er de Tounens, Roi de
Patagonie pour l'éternité, démythifiant cet extraordinaire aventurier
qui ne croyait qu'à sa seule étoile - un peu à la manière de Nerval -
et dont on sait qu'elle finira par basculer derrière l'horizon de sa
destinée. On aime ce regard fait de compassion.
Le
dernier chapitre de l'ouvrage s'intitule : "Où le pavillon de sa
Majesté flotte sur la Provence, l'Himalaya, le Spitzberg, l'Amazone et en
cent autres endroits du globe..." Il évoque ces milliers de
Patagons qui ont décidé d'entrer dans "le jeu du roi", en
demandant un jour leur naturalisation auprès de la Chancellerie de
Patagonie. S'il n'existe pas d'annuaire des Patagons, car "chacun
"joue le jeu" comme il l'entend" - ceux-ci ne se
rencontrent pas moins, au hasard des routes du Périgord ou d'ailleurs et
de certains anniversaires. |